Nommer le monde : pour une suite guenonienne

Printemps-été 2020
NOMMER LE MONDE : POUR UNE SUITE GUENONIENNE

ISSN2726-6818
David Cumin
ISSN2726-6818

Abstract

Any division and any denomination of the world is based on a «world vision» or a «geo-vision». This is obvious for East and West, since there is no East or West Pole, butalso for North and South, even if there is a North Pole and a South Pole. Instead ofcardinal points, do the elements provide objective criteria?…

Une fonction de la géographie -l’étude de la Terre2- est de découper et de nommer desespaces. Pour cette toponymie, il est habituel de prendre les points cardinaux commecritères sûrs du découpage du monde: nord/sud, est/ouest. La course du soleil fournitun repère universel: pour tous les êtres humains, le soleil se lève à l’est et se couche àl’ouest, cependant que l’étoile Polaire dans l’hémisphère septentrional et la Croix duSud dans l’hémisphère méridional constituent d’autres repères objectifs. Ainsi, pour toutun chacun, il y a un Levant, un Couchant, un Septentrion, un Méridien.

Mais tout découpage et toute dénomination du monde procèdent d’une «vision dumonde» ou d’une «géo-vision»3. Cela est évident pour l’Est et l’Ouest, puisqu’il n’y apas de pôle Est ni de pôle Ouest, mais aussi pour le Nord et le Sud, même s’il y a un pôleNord et un pôle Sud. A la place des points cardinaux, les éléments fournissent-ils descritères objectifs? Une distinction fondamentale, naturelle, est celle de la terre et de lamer. Mais le découpage des régions du monde est «amphibie», mêlant espacesterrestres et maritimes, qui ont pour point commun d’être nommés, à la différence del’espace aérien, surplombant, qui reprend les dénominations terrestres et maritimes surplombées (par exemple, le ciel «européen» ou «méditerranéen» au-dessus del’«Europe» et de la «Méditerranée»)4. Ni les points cardinaux ni les éléments ne sontdonc pertinents.

Ce sont les visions géopolitiques qui importent, plus ou moins liées aux religions ou auxEmpires anciens, «précolombiens» (avant la connaissance du globe et de sa rotondité),qui se considéraient comme le centre du monde. Disparus et morcelés, ils ont fini parêtre remplacés par la forme d’unité politique (séculière) portée par l’Europe de l’Ouest:l’Etat moderne, «post-colombien» (depuis la connaissance du globe et de sa rotondité),dont l’ethnocentrisme est «politique», pas «topologique». Hiérarchiques, les Empiresétaient bornés par des marches spatiales, entourés de vassaux ou de tributaires,menacés par des «barbares»; égalitaires, les Etats sont délimités par des frontièreslinéaires, jouxtés par d’autres Etats, menacés par des «ennemis».

http://www.dogma.lu/pdf/DC-Nommer.pdf