DOGMA

Angèle Kremer Marietti

Sous la direction de Jean Dubessy et Guillaume Lecointre
Intrusions spiritualistes et impostures intellectuelles en sciences. Préface de Jacques Bouveresse.
Paris, Éditions Syllepse, 2001, 400 p.




Voici un livre scientifiquement documenté qui continue la dénonciation des impostures intellectuelles commencée par Alan Sokal et Jean Bricmont (1997) : il réunit les Actes du colloque du Muséum d’Histoire naturelle de septembre 2000, dans une volonté de départage strict entre science et religion. Les contributeurs (physiciens, biologistes, géologues, etc.) présentent le caractère commun de partir de leur point de vue spécifique dans la volonté de freiner les « dérives spiritualistes ». Pour eux, la science ne fait pas cause commune avec la religion (H. Chuberre, M. Kersberg), car l’antagonisme entre science et religion est irréductible (J. Bricmont).

Un esprit scientifique ne peut défendre, par exemple, le « créationnisme », ni,  sous le couvert de l’incertitude ou d’une limite infranchissable, voire d’une aporie, se résoudre à traduire tel moment du développement, toujours rationnel, de la pensée scientifique, en une position irrationnelle ! Mais, ainsi que l’évoque Jacques Bouveresse, rien n’empêche quiconque d’opter comme Valéry pour le déterminisme dans la représentation du monde et pour l’indéterminisme dans la manière d’exister (p.11) ! Il n’en reste pas moins que la constatation de confusionnisme, faite par Bouveresse, est la leçon qui se dégage de l’observation actuelle du monde « de l’esprit ».

L’avant-propos des directeurs de cette entreprise et de ce livre en particulier souligne la nécessité que soient précisées les définitions fondamentales de l’activité scientifique, et dénoncée l’opération de récupération de la science, dénoncées par là même également les incompétences à l’origine des fraudes intellectuelles tentant de camoufler toute l’importance du matérialisme scientifique.

Quelques moments logiques importants articulent l’approche de cette démarche ; ce sont :
  1. les stratégies de « l’intrusion spiritualiste », dont l’une consiste à s’appuyer sur l’impuissance de la science à répondre aux questions ultimes et sur ce qu’on appelle « la crise du sens » (J. Dubessy) ;
  2. la définition du matérialisme scientifique (J. Bricmont), puisqu’il est la « condition de la science » qui « impose le matérialisme » (Y. Quiniou) et le refus du finalisme métaphysique (M. Silberstein) ;
  3. l’intrusion, version forte,  avec trois études de cas indiscutables (Lecointre, J.-P. Garcia, V. Lécuyer, Ian Plimer) ;
  4. l’intrusion, version faible : le providentialisme (P. Tort), la téléologie biologique (P. Deleporte), la philosophie quantique (J. Bricmont), les fraudes en astrophysique (F. Vernotte).

La postface fait état d’un texte proposé à la signature de tout citoyen et concernant le rappel des règles de la méthode scientifique, faisant abstraction de toute conviction personnelle, métaphysique ou religieuse.

Le matérialisme scientifique n’est autre que la philosophie logiquement appropriée à l’activité scientifique étant donné ses méthodes et ses résultats. Cette activité exige, en effet, une discipline dans la tenue des raisonnements, un comportement dans la mise en scène de l’expérimentation, une ascèse dans le choix des hypothèses et des concepts, une volonté ininterrompue dans le développement de la menée de l’ensemble de la procédure cognitive. Finalement, aux frontières de ses succès, l’activité scientifique met en lumière « les limites de notre capacité à comprendre le monde » (cf. Jean Bricmont, p.157). Les « trous dans nos connaissances » (ibid.) ne sont pas nécessairement habités par du divin !

Plus la science progresse, plus notre ignorance nous devient évidente. Ce que les scientifiques ont voulu souligner ici, c’est bien le fait que les limites de la science ne justifient en rien l’appui qu’y prend le discours religieux. Ces limites sont l’effet de la rigueur de la méthode utilisée par l’activité scientifique, même si cette méthode se diversifie et évolue en raison des objets qu’elle se propose d’expliquer.


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