À propos de la philosophie des sciences et des problèmes de
la conscience dans le passage du XIXè siècle au XXè, je
vois un problème majeur : il consiste pour moi dans la nécessité de
formuler quelques questions de base et naturellement d’y répondre.
Il faut d’abord retenir une première opposition entre la
ferme assise des sciences de la nature et l’explosion des sciences de
l’esprit et s’interroger ensuite sur leur
modus vivendi.
1. Deux questions
De ce point de vue, il me semble que deux questions générales
se posent. Avant toutes choses, nous devons nous demander, d’une part,
quelle est la conscience des sciences de la nature, ne serait-ce que dans la
perspective du dicton rabelaisien « science sans conscience n’est
que ruine de l’âme » ; or, c’est le rôle
de la philosophie de donner cette conscience des sciences de la nature. Cela
a été essentiellement le rôle des philosophes des sciences
positives
[1].
Mais, d’autre part, nous devons aussi et surtout chercher à comprendre
les raisons philosophiques pour lesquelles se sont développées
et imposées les sciences de l’esprit : or, elles se sont
instaurées soit
contre les sciences de la nature, au moins partiellement ;
soit
avec les sciences de la nature, mais selon un statut qu’elles
ont défini comme étant tout autre : les deux réactions
peuvent d’ailleurs se confondre dans l’entreprise «exemplaire
de Dilthey
[2] à propos
des « sciences de l’esprit » qu’il propose.
Par ailleurs, les philosophes autres que positivistes se sont généralement
opposés à l’emprise des sciences de la nature et de leurs
méthodes : c’est le cas exemplaire de Bergson.
Je me suis beaucoup interrogée sur la question et j’ai découvert
que, si les sciences humaines étaient en pleine évolution dans
cette époque transitoire, de leur côté les sciences de
la nature, du moins pour la plupart des observateurs, offraient encore globalement
le spectacle de la science, que je désigne comme la « science
positive » dont le modèle était fondamentalement ce
qu’on pourrait appeler la mécanistique.
2. L’assise des sciences de la nature
Voyons donc l’assise reconnue des sciences de la nature. Le matérialisme
du XIXè siècle donnait une image simpliste de l’univers
[3] :
les atomes constituaient un étant inaltérable ; ils se mouvaient
dans l’espace et dans le temps en provoquant par leur disposition et
leurs mouvements réciproques les phénomènes variés
de notre univers sensible.
Même si, dès la deuxième moitié du siècle,
cette image avait été quelque peu ébranlée par
la science de l’électricité pour laquelle le réel
proprement dit n’était plus la matière mais le champ électrique,
on pouvait continuer à maintenir, par le détour d’un éther
matériel supportant ces champs électriques, la vision matérialiste
de la physique de l’atome. On voulait croire que les modifications des
champs électriques étaient des processus se déroulant
dans l’espace et dans le temps ; et l’on pouvait encore imaginer
que les champs électriques étaient provoqués par les atomes :
on pouvait même les utiliser pour expliquer le mouvement des atomes.
Et, d’ailleurs, lorsque, plus tard, on aura découvert les particules élémentaires
telles que les protons, les neutrons et les électrons, on persistera à croire
dans une réalité objective fondamentale, sans qu’il soit
fait mention des processus d’observation. Mais on remarquait déjà,
comme Bergson
[4] dans
L’évolution
créatrice, en 1907, qu’il devenait impossible de se représenter
les propriétés, par exemple de l’éther dont on parlait à l’époque,
ou même de l’électricité.
Toutefois, il faut pourtant ajouter que des transformations profondes
[5] par
rapport à cette vue mécanistique de la nature étaient
déjà intervenues ; il faut noter, en effet, un certain nombre
de nouveautés dans le champ des sciences de la nature : dès
1892, Lorentz (1829-1891) avait commencé la publication d’une
série d’articles sur la théorie de l’électron
[6],
une particule élémentaire chargée négativement
dont J.J. Thomson (1856-1940) prouvera l’existence en 1897 ; de
plus, en 1895, W. C. Röntgen (1845-1923) avait découvert les rayons
X (ou les ondes électromagnétiques). La conséquence directe
ne se fit pas attendre, en effet quelques mois plus tard, en 1896, Henri Becquerel
(1852-1908) vit dans l’uranium une source de radioactivité, c’est-à-dire
l’émission spontanée de particules subatomiques et de radiations électromagnétiques à haute
fréquence ; après quoi, Pierre et Marie Curie découvraient
en 1898 la radioactivité du radium et du polonium. En 1900 - alors qu’Einstein
terminait ses études à l’École polytechnique de
Zurich - Max Planck analysait l’équilibre thermique entre matière
et rayonnement et découvrait ce qu’il appelait « le
quantum d’action élémentaire », en n’usant
d’aucune théorie mécanique concernant la théorie
de la chaleur. L’hypothèse de Planck était une hypothèse
qu’on dit
ad hoc, mais sa découverte exprimait quelque
chose qu’il était impossible d’énoncer dans l’ancienne
mécanique : une équivalence entre
énergie et
fréquence.
En 1905, ce sera l’année miraculeuse, durant laquelle Einstein
publiera cinq articles à la base des deux premières révolutions
du XXè siècle : celle de la relativité et celle des
quanta
[7].
Pour revenir à la vision mécanistique de la science au XIXè siècle,
on peut se rappeler que, même si Kepler n’avait pu découvrir
les rouages exacts de la machine mécanique, il avait ébauché « la
fondation réelle de la mécanique céleste »
[8] et
souligné fermement les harmonies mathématiques sous-jacentes
aux phénomènes : il n’avait pu formuler les concepts
appropriés de
masse et de
force, mais il avait permis
ce que j’appelle le « tournant mécanique »
en
faisant passer l’astronomie de la méthode géométrique
des Grecs à la méthode de la mécanique rationnelle. Pour
Kepler, le monde réel était le monde des phénomènes
justiciables de principes mécaniques
[9].
Désormais, comme Galilée l’exprima en 1632 dans son
Dialogue,
la nouvelle physique allait dépendre de la réponse à la
question philosophique de savoir quel rôle les mathématiques devaient
jouer dans la constitution de la science de la nature. Galilée distingua
vitesse et
accélération[10] ;
il formula le « principe galiléen de relativité » :
la Terre donnant l’impression d’immobilité alors que sa
vitesse de rotation est de 100.000 km/h. Galilée ne recherchait
pas directement les causes, mais une théorie de la dynamique – Duhem
dira de même, au début du XXè siècle, qu’il
ne cherche pas les causes mais les principes généraux
[11].
Ce qui émerge du recours aux mathématiques, ce n’est autre
que la propriété d’invariance des lois scientifiques:
les lois de la nature sont des propositions conditionnelles qui autorisent à prévoir
certains événements futurs sur la base de la connaissance exacte
de leurs conditions présentes. La science moderne procède désormais à la
description mathématique de la nature en pratiquant un langage universel
qui inclut des exigences logiques.
Ce qui avait commencé dans la mécanique rationnelle s’était
poursuivi avec la mécanique newtonienne et l’astronomie mathématique :
le détail du mouvement des astres pouvait être prévu par
un simple postulat. La notion d’
inertie introduite par Kepler
(pour lui rien d’autre que la résistance opposée par les
corps au mouvement) avait évolué. Descartes, en 1644, dans les
Principes
de la philosophie, avait conçu l’état de repos comme
présentant une force de résistance au mouvement, force que Newton
appellera
vis insita (exprimée dans sa première loi de
mécanique classique) tandis qu’il appellera
vis impressa la
force du mouvement
[12] (exprimée
dans sa seconde loi) ; la troisième loi de Newton oppose à toute
force d’action une force de réaction.
Newton avait compris que les mêmes lois qui régissent la chute
d’une pierre déterminent le mouvement de la lune autour de la
terre et que l’on peut les appliquer aux dimensions cosmiques. La révolution
scientifique de Newton consista en ce qu’il appliqua, comme l’avait
souhaité Kepler, au traitement des corps célestes, les mêmes
lois que celles qui déterminent les mouvements terrestres. Avec Newton,
l’astronomie est réellement devenue « plus
science qu’aucune
autre » selon la parole de Comte
[13].
En effet, l’attraction mutuelle entre deux parties de la matière
est enfin conçue au sein de la mécanique céleste qui
permit de calculer les mouvements célestes sans que la
cause ne
soit connue. Dans ses
Principes mathématiques de la philosophie naturelle (1687),
Newton a généralisé les résultats précédemment
obtenus pour en tirer la
théorie de la gravitation universelle,
régissant tous les mouvements des corps célestes, c’est-à-dire
l’attraction qui s’exerce entre tous les corps matériels
proportionnellement à leur masse réciproque et à l’inverse
du carré de leur distance. Dès lors, les lois de la chute des
corps découvertes par Galilée et les lois de la révolution
des planètes autour du Soleil découvertes par Kepler apparurent
comme des cas particuliers de la loi générale de l’attraction
universelle de Newton.
La prééminence de la mécanique s’est largement confirmée
au XIXè siècle avec les travaux de Lord Raleigh, de Navier et
Stokes, de Cauchy et Saint-Venant, enfin de Maxwell. Dans la seconde moitié du
XIXè siècle, Ludwig Boltzmann créa la mécanique
statistique, qui modèle un système dans les termes du comportement
moyen du grand nombre d’atomes et de molécules formant le système :
les lois de base de cette théorie découlent de la théorie
newtonienne ; on y examine les conséquences de la connaissance
incomplète d‘un système mécanique complexe, aussi
le principe du déterminisme y est-il maintenu. À la même époque,
Maxwell et Boltzmann créèrent la théorie cinétique
des gaz dans laquelle une description statistique des mouvements moléculaires
permit d'expliquer toutes les grandeurs caractéristiques des gaz (pression,
température, énergie, etc). Quant à Boltzmann, on peut
le considérer comme un pionnier de la mécanique quantique pour
deux raisons.
1) Son interprétation statistique de la seconde loi de la thermodynamique
permit d’introduire la Théorie des probabilités dans une
loi fondamentale de physique :voilà qui donnait l’occasion
de contredire le préjugé classique du déterminisme. Alors
que depuis 1897 Boltzmann l’invitait à utiliser ses méthodes
statistiques pour le traitement de la radiation du corps noir, Max Planck attendit
1900 avant d’admettre les méthodes statistiques de Boltzmann.
2) Autre progrès de Boltzmann vers la mécanique quantique :
une méthode qu’il utilisait déjà en 1872, l’introduction
des niveaux d’énergie discrète
[14].
Si le réalisme semble une position épistémologique générale
de cette science du tournant du XXè siècle, il faut considérer
cependant une théorie phénoménaliste qui s’impose
du fait de la considération des phénomènes inobservables – d’ailleurs
encore en question aujourd’hui – et qui affirme que seuls les énoncés
portant sur des phénomènes observables devraient être considérés
comme une connaissance scientifique valide. D’où le but de la
science qui serait d'identifier, de classifier et de lier les phénomènes
observables entre eux. De ce point de vue, se limiter aux seuls faits observables
conduirait à une certitude permanente : un fait expérimental
identifié deviendrait ainsi une connaissance immuable et absolu, car
tout expérimentateur répétant ladite mesure ne pourrait
qu'obtenir le même résultat. La connaissance sur les phénomènes étant
considérée comme absolue et immuable, dès lors elle est
indépendante de toute condition sociale ou historique. Toutefois, en
ce qui concerne les théories abstraites, faisant appel à des
entités non-observables, échafaudées à partir de
ces mesures, elles ne seraient pas tout à fait valides. Le physicien
allemand Ernst Mach (1838-1916) est un représentant de ce mouvement
anti-réaliste. Il a apporté de nombreuses contributions dans
les domaines de la mécanique, de l'hydrodynamique, de l'électricité et
de la thermodynamique ; de même en esthétique. Pour Mach,
les lois de la nature ont pour objet de synthétiser l'ensemble de ce
qui a déjà été perçu et expérimenté.
La concision fait partie des qualités d'une bonne théorie, économe
en terme de concepts, ainsi que la simplicité. Dans son ouvrage sur
le développement de la mécanique
[15],
Mach démontre que la masse et la force sont des concepts qui n'entrent
jamais simultanément de manière descriptive dans les expériences,
mais plutôt seulement à travers l'accélération ;
la force, qui est une entité non-observable, n'aurait pas de réalité objective
mais une vertu simplificatrice dans l'énoncé des lois physiques.
Pour lui, les sensations étaient les phénomènes ultimes,
les phénomènes physiques n’étant qu'un ensemble
d'éléments sensoriels qui, considérés les uns par
rapport aux autres, et du point de vue d’un observateur, apparaissent
sous la forme de sensations, sans être des sensations subjectives, mais
des propriétés ou des qualités des corps. Ce qui veut
dire que les connaissances sur le corps comme tel ne sont pas accessibles,
et que seules les connaissances sur les éléments sensoriels qui
le composent le sont. Et ces connaissances ne nous parviennent que par nos
sensations, notre seule manière de les appréhender. Le problème
se pose encore souvent sous cette forme aujourd’hui.
D’une manière générale, comme l’écrit
Heisenberg
[16], le terme
de « Nature » était devenu un terme collectif relatif
aux domaines de l’expérience vers lesquels l’homme pouvait
accéder avec la science et la technique. L’opposition se faisait
déjà sentir entre « explication mécanique » et « description
mathématique » de la nature. La nature se déroulait
selon des lois dans l’espace et dans le temps. La matière était
considérée comme inaltérable dans sa masse, elle pouvait être
mue par des forces : les atomes découverts grâce aux expériences
chimiques étaient considérés comme les moellons inaltérables
de la matière : ils étaient représentés comme
se mouvant dans l’espace et dans le temps et provoquant par leur disposition
et leurs mouvements les événements variés de l’univers
sensible. Cette conception matérialiste persista même avec la
science de l’électricité, non seulement dans la seconde
moitié du XIXè siècle, mais encore vers 1907, selon ce
qu’écrivait Bergson à ce moment-là
[17] : « Plus
la physique progresse, plus elle montre l’impossibilité de se
représenter les propriétés de l’éther ou
de l’électricité, base probable de tous les corps, sur
le modèle des propriétés de la matière que nous
apercevons. »
3. La philosophie de Bergson : son appel à la conscience et à la
science
Bergson a cru, dès 1889, apporter des réponses à certaines
questions posées par la science ; ensuite, il a voulu – systématiquement – soit
imposer ses propres réponses philosophiques contre celles de la science,
soit interpréter les résultats scientifiques dans sa perspective
philosophique : ce à quoi, naturellement, rien ne l’autorisait
si ce n’est une prétendue autorité philosophique.
Par rapport au déploiement – et on a même parlé de « révolution » -
du côté des sciences de l’esprit (il s‘agit de la
psychologie, de la psychanalyse et de la phénoménologie) et par
rapport à la philosophie de Bergson que je propose à votre réflexion,
mon hypothèse est que toutes ces conceptions, qui tendent à élargir
- et parfois à renverser – l’ancienne rationalité classique,
en tout cas son réductionnisme, se faisaient en réaction à la
science positive, et surtout à la mécanique, mais pas encore
(c’est un peu trop tôt) dans la relation à la crise du déterminisme
du début du XXè siècle. Ensuite, il est vrai, au début
du XXè siècle, certains vont penser trouver une sorte de justification « après
coup » à ce qui peut paraître une poussée d’irrationalisme,
en tout cas des réticences bien marquées à l’égard
des cadres de la mécanique classique.
Pour ce qui concerne la conscience de soi, ou, pour reprendre une définition
de l’idéologie comme comprenant les formes de la conscience à travers
lesquelles les individus se représentent leur propre essence (qu’il
s’agisse des sciences de la nature ou des sciences de l’esprit),
le problème philosophique demeure l’
assimilation – je
ne dirai même pas philosophique – mais au moins culturelle de ces
visions nouvelles du monde et de l’homme. Aussi, lorsque Bergson va soutenir
sa thèse, le positivisme a atteint l’interprétation des
phénomènes humains et sociaux ; la théorie associationniste
explique la vie de l’esprit ; je dirai, dans une métaphore,
que les tentacules de la science déterministe ont déjà atteint
l’objet de la conscience.
Dans cette perspective et pour s’y opposer, la thèse de Bergson
distingue un ordre homogène, celui de l’espace, de la simultanéité et
de l’étendue : disons l’ordre de la quantité ;
en face de cet ordre homogène, il pose un ordre hétérogène :
celui de la durée et de l’inétendue, en un mot, l’ordre
de la qualité. Et Bergson va opposer ces deux ordres comme étant
l’ordre de la science et l’ordre de la conscience. Donc Bergson
pose et résout à sa manière le problème que nous
abordons aujourd’hui : « la philosophie des sciences de
la nature et les problèmes de la conscience » ; c’est
celui-là même qu’il pense résoudre avec l’
Essai
sur les données immédiates de la conscience. Il range donc
la philosophie des sciences de la nature sous la rubrique des sciences de l’ordre
extérieur ; et il se réserve pour lui la rubrique de l‘ordre
intérieur qui est celui de la conscience. Je n’ai pas dit qu’il
prenait sous son aile les « sciences de l’esprit » :
ce sera le cas de Dilthey, que nous verrons ensuite.
Avec l’
Essai de 1889,
Bergson s’empare des problèmes
liés à la conscience. Son argument majeur est qu’il n’est
pas permis de traduire l’inétendue en étendue ou l’ordre
intérieur en ordre extérieur, c’est-à-dire la qualité en
quantité. Il faut remarquer au passage que Bergson n’oppose pas
l’esprit à la nature, mais bien la conscience « qui
dure » à la science « qui exige des repos où poser
des repères »
[18].
D’où toutes les oppositions qui sont les siennes : outre
celles que j’ai dites, celle qui peut se remarquer entre, d’une
part, le mouvement indivisible et, d’autre part, l’espace parcouru
qui lui est divisible (question évoquée à propos des sophismes éléates
[19] de
la Dichotomie, d’Achille et la tortue, de la Flèche et du Stade).
Le reproche majeur adressé par Bergson à la science, c’est
qu’avec la spatialisation elle abandonne la mobilité du mouvement.
Par exemple, Bergson critique l’argument de la Flèche de Zénon
d’Élée
[20],
en affirmant que le passage est un mouvement et l’arrêt une immobilité ;
ce qui veut dire qu’il se méfiait de la représentation
du mouvement comme étant celle d’un point sur une trajectoire.
Opposant à la science la conscience, Bergson définit celle-ci
comme étant qualité pure, durée, enfin liberté ;
en conséquence, il dénonce l’illusion qui confond succession
et simultanéité, durée et étendue, qualité et
quantité, extériorité et intériorité.
Notons toutefois que Bergson n’oppose pas toujours science et conscience,
il dit aussi vouloir tout à la fois faire « appel à la
science et à la conscience » dans un article intitulé « La
philosophie » et publié dans
La science française (Larousse,
1915), dans lequel il prétend constituer, au moyen de l’intuition, « une
philosophie capable de fournir, non plus seulement des théories générales,
mais aussi des explications concrètes des phénomènes particuliers » ;
il ajoutait : « La philosophie, ainsi entendue, est susceptible
de la même précision que la science positive »
[21].
Or, par rapport aux conceptions bergsoniennes sur la durée et le mouvement,
il se trouve que des analogies saisissantes apparaissent avec certains des
résultats scientifiques ultérieurs à 1889, en particulier
en ce qui concerne les idées de Bohr et de Heisenberg, énoncées
quarante ans plus tard
[22].
Ainsi, Louis de Broglie concède à Bergson l’idée
que la science schématise à l’excès sa représentation
du temps et de l’espace. En effet, la succession des événements
est projetée sur un axe homogène, de même la localisation
des objets dans l’espace est projetée sur l’espace géométrique
homogène à trois dimensions. Mais c’est surtout sur le
temps que Bergson a voulu insister en opposant la durée concrète
au temps homogène et abstrait : il en est ainsi dans le chapitre
IV de
Matière et mémoire (1896). Il est vrai que la représentation
schématique du temps abandonne certainement beaucoup de particularités
de la durée concrète. Louis de Broglie s’est intéressé,
par exemple, à l’idée énoncée
[23] dans
l’
Évolution créatrice (1907), selon laquelle nous
pourrions très bien supposer que le flux du temps opère à une
vitesse infime de telle sorte que nous aurions en un seul spectacle et en un
seul coup d’œil toute l’histoire passée, présente
et future de l’humanité : voilà, écrit Louis
de Broglie, une représentation à laquelle « est parvenue
la théorie de la Relativité lorsqu’elle nous a invités à figurer
l’ensemble des événements passés, présents
et futurs dans le cadre d’un continu abstrait à quatre dimensions,
l’espace-temps
[24]».
Et Louis de Broglie explique que cette théorie permet de penser chaque
observateur comme découvrant successivement les événements
contenus dans l’espace-temps : « à chaque instant
de son temps propre, il pourrait regarder comme simultanés tous ceux
de ces événements qui sont localisés dans une certaine
section plane à trois dimensions de l’espace-temps et, au fur
et à mesure que s’écoulerait son temps propre, cette section
balayerait progressivement l’espace-temps tout entier »
[25].
L’ensemble des événements serait ainsi donné
a
priori. Mais, justement, Bergson a toujours rejeté cette vision
du temps statique. Et Louis de Broglie concède encore qu’en effet
cette schématisation de la science classique qui est aussi celle de
la théorie de la Relativité laisse peut-être tomber une
partie du réel écoulement des choses.
La théorie des quanta pénètre encore plus profondément
dans la réalité ; en ce qui concerne la Physique quantique,
il en est ainsi de la mécanique ondulatoire et quantique : Louis
de Broglie relève alors quelques analogies avec la philosophie de Bergson.
Un résultat des théories quantiques est celui de « montrer
l’impossibilité d’attribuer simultanément à un
corpuscule élémentaire un état de mouvement bien défini
et une position entièrement déterminée »
[26] :
c’est ce qu’expriment les relations d’incertitude d’Heisenberg.
Relisant l’
Essai de 1889, Louis de Broglie découvre une
phrase de Bergson qu’on dirait empruntée à la théorie
d’Heisenberg formulée en 1927 : « Il n’y
a dans l’espace que des parties d’espace et en quelque point que
l’on considère le mobile, on n’obtiendra qu’une position »
[27].
Cependant, Bergson maintient l’idée de trajectoire d’un
mobile propre à la mécanique classique ; or, il n’en
est plus ainsi avec la physique quantique ; seules quelques positions
instantanées de l’entité physique en progression peuvent être
déterminées par quelques mesures nécessairement discontinues,
et encore dans l’ignorance de l’état de mouvement. Par ailleurs,
les termes fréquents chez Bergson de « nouveau » et
d’ « imprévisible » pourraient convenir,
selon Louis de Broglie à la notion de temps dans les théories
quantiques où, écrit-il, le temps apporte en effet des éléments
nouveaux et imprévisibles
[28].
Un parallèle est donc possible entre les notions bergsoniennes et celles
des théories quantiques ; car Louis de Broglie n’est pas
sans trouver un « parfum de bergsonisme » dans l’exposition
de la Physique quantique. En particulier, à propos de la théorie
de la causalité : celle-même de Louis de Broglie
[29] sur
les deux causalités, faible et forte, en comparaison de laquelle l’auteur
cite ce passage de Bergson : « Si donc on se décide à concevoir
sous cette seconde forme la relation causale, on peut affirmer
a priori qu’il
n’y aura plus entre la cause et l’effet un rapport de détermination
nécessaire, car l’effet ne sera plus donné dans la cause.
Il n’y résidera qu’à l’état de pur possible,
et comme une représentation confuse qui ne sera peut-être pas
suivie de l’action correspondante »
[30].
Toutes les analogies relevées par Louis de Broglie et dues à l’expression
originale de la pensée nuancée de Bergson n’effacent cependant
pas les erreurs de
Durée et simultanéité (1922),
parfaitement dénoncées et expliquées dans le livre de
Sokal et Bricmont,
Impostures intellectuelles[31],
mais déjà explicitement relevées par Jean Becquerel
[32] à la
parution de l’ouvrage de Bergson. Louis de Broglie reconnaît que
c’est « le moins bon de ses livres »
[33],
dans lequel Bergson a tenté de tirer à lui la théorie
de la Relativité : « ouvrage qui a été justement
critiqué parce qu’il semble bien que son auteur ait mal compris
le véritable sens des conceptions d’Einstein et de ses continuateurs »
[34].
Couronnant la Physique classique, la Physique relativiste pousse à l’extrême
la spatialisation du temps et la géométrisation de l’espace :
conceptions à l’opposé de celles de Bergson. Comme je l’avais
vu dans mon mémoire de Diplôme d’Études Supérieures
de Philosophie, « là encore, Bergson dénonce la convertibilité de
l’espace en temps et la reconvertibilité du temps en espace »
[35] ;
et je continuais : « En effet, l’espace-temps ne fait
que symboliser une invariance résultant des équations de Lorentz,
traduites par l’hypothèse de temps multiples et de simultanéités
convertibles en successions. Aussi la réalité espace-temps est-elle
purement mathématique et même purement spéculative et ne
saurait être perçue par une conscience qui dure »
[36].
Bergson voulait imposer le choix entre l’équation d’une
part et le temps de l’autre, parce qu’il ne pouvait concilier l’une à l’autre :
il s’agissait pour lui du « conflit entre le temps que la science
désigne par un simple paramètre et le temps vécu par moi »
[37].
Enfin, Bergson niait « le déterminisme sous la forme universalisable
du théorème de la conservation de l’énergie dont
la gravitation est un exemple, puisqu’elle consiste en ce que les mouvements
des masses matérielles dans l’univers réagissent les unes
sur les autres, et dans la théorie relativiste où elle consiste
en ce que, loin ou près des masses des distributions énergétiques,
les géodésiques définissent les mouvements d’une
masse d’épreuve et la propagation de la matière »
[38].
Mais, justement, la mécanique, qui sera appliquée à de
nouveaux domaines tels que l’ aérodynamique, a perdu sa prééminence
au XXè siècle ; du moins, elle a subi d’importantes
transformations pour être apte - avec la Relativité - à décrire
des corps dans un mouvement ultra rapide ; toutefois, dans le domaine
quantique, à la découverte duquel elle contribua, elle n’a
pu représenter le monde physique.
Beaucoup ont vu en Bergson, et non sans raison, le représentant et l’inspirateur
du courant anti-intellectualiste dressé contre la tyrannie de la raison
abstraite, qui schématise et réduit la réalité de
la vie à l’état de concepts ou de « fumée
algébrique ». Il a écrit : « À côté de
la conscience et de la science, il y a la vie »
[39] ;
et il ajoutait : vivre, c’est agir. Il a tenté de mettre
sur pied une sorte de monisme de l’unité de l’être,
unité étant conçue comme une substance infiniment grande
sur laquelle se profileraient matière et esprit, et qui impliquerait
une alternative entre le corps et l’esprit dans la mesure où,
par exemple dans une métaphysique de la matière, les choses seraient
considérées soit du point de vue d’un cercle large, soit
du point de vue d’un cercle étroit
[40].
4. L’explosion des sciences de l’esprit
Notons que l’expression de
Geisteswissenschaften,
ou sciences
de l’esprit, date du début du XIXè siècle et c’est
Dilthey qui l’a popularisée ; certains comme Rickert lui
ont préféré la notion de
Kulturwissenschaften,
ou sciences de la civilisation., en incluant l’histoire mais sans référence à la
psychologie.
En fait, les sciences humaines existaient avant Dilthey, et même déjà sous
le mode expérimental et positif : Wundt
[41],
promoteur de la psychophysiologie, avait créé le premier laboratoire
de psychologie expérimentale en 1879 à Leipzig. Avant lui, Fechner
[42] avait
fondé la psychophysique en 1860.
Voyons les événements éditoriaux de la fin du siècle.
Le livre fondamental de Durkheim,
les règles de la méthode
sociologique, paraît en 1895 ;
La psychologie des sentiments de
Ribot en 1896 et sera suivi en 1905 de
La logique des sentiments.
Entre
1886 et 1900, Freud établit et publie les règles essentielles
de la méthode psychanalytique. Enfin, je ne veux pas oublier le livre
de Mach paru en 1882,
L’Analyse des sensations, à la base
d’une épistémologie sensationniste qui devait rendre inutiles
les notions de cause et d’effet, remplacées par la notion de fonction.
Voyons comment Dilthey gère le succès des sciences de la nature.
Tentant de réunir la perspective entière des sciences humaines,
il fait paraître, en 1875, un ouvrage intitulé
De l’étude
de l’histoire des sciences humaines, sociales et politiques. Dilthey
est une personnalité originale qui a d’abord publié des
travaux sur Schleiermacher dont l’herméneutique l’inspirait
beaucoup. Mais c’est en 1883 que Dilthey publie une œuvre, tout
autant englobante que la première, mais véritablement fondamentale :
l’
Introduction à l’étude des sciences humaines.
L’originalité de Dilthey vient du fait qu’opposé à la
métaphysique, il part du point de vue total de la réalité historique,
psychologique et sociale, qui est l’objet, d’après lui,
des « sciences de l’esprit », qu’il oppose
directement aux « sciences de la nature ». Pour Dilthey¸ le
règne de la nature est l’ensemble des changements soumis à la
répétition automatique des faits naturels faisant partie de l’ordre
mécanique. Dans l’
Introduction à l’étude
des sciences humaines, Dilthey explicite l’objet des sciences humaines : «appréhender
la réalité historique et sociale dans ce qu’elle a de singulier
et d’individuel »
[43].
Ce faisant, il propose donc une étude d’un objet qui peut être
scientifique, c’est-à-dire avant tout observable. Les faits à la
base des sciences humaines sont les faits psychiques et psychophysiques, qui
fondent à la fois la réalité de l’individu et la
théorie des systèmes de civilisation. Pour Dilthey il y a une
correspondance évidente et réciproque entre l’individuel
et le social compris l’un et l’autre dans l’Histoire.
Dilthey est à l’origine de la notion de « conception
du monde » (
Weltanschaung) – qui peut être implicite
ou explicite - et de la distinction entre « expliquer la nature » et « comprendre
l’esprit ». À partir d’une « méthode
de la compréhension », il veut faire des sciences humaines
une sorte d’anthropologie
[44],
une science humaine globale aux dimensions bio-socio-historiques. Ce qu’il
appelle « esprit » s’inspire de Hegel, ce sont les
actions humaines interdépendantes, « intériorisées »,
auxquelles il oppose les mêmes actions mais « objectivées »,
et qu’il appelle « l’histoire ».
L’intérêt de Dilthey pour le problème qui nous occupe, « la
philosophie des sciences de la nature et les problèmes de la conscience »,
tient au fait qu’il refuse la domination des sciences dites « objectives » auxquelles
il oppose les prétendues « subjectives » sciences
de l’esprit. Son livre de 1883 sur l’introduction aux sciences
humaines a pour objet essentiel de démontrer la nécessité d’une
science humaine fondamentale en regard des sciences humaines déjà existantes.
Pour Dilthey, l’Histoire doit jouer un grand rôle dans cette entreprise
qu’il met à exécution, par exemple, dans
Conception
du monde et analyse de l’homme depuis la Renaissance et la Réforme,
datant de 1891-1893. La « compréhension » qu’il
propose dépend de la méthode de la totalité : l’individu
engage sa personnalité tout entière pour revivre l’expérience
individuelle d’autrui en référence à la vie :
on peut s’interroger sur la vie, elle est histoire pour Dilthey et s’explique
comme histoire : loin d’être une simple apparence, la vie
jouit d’une cohérence temporelle et intentionnelle. Dilthey appelle « ensemble
vital » l’ensemble de nos instincts, de notre sensibilité et
de notre volonté : c’est une structure dynamique qui dépasse
le psychisme ; cet ensemble peut être décrit en tenant compte
de la relation organique des parties au tout, et vice versa.
Le rapport à l’interprétation est évident ;
celle-ci nous transporte sur des terrains étrangers que nous voulons
comprendre : interprétation et compréhension se renvoient
l’une à l’autre. La signification qui s’en dégage
est la catégorie principale de la vie : toute œuvre comporte
un ensemble de signification (
Bedeutungszusammenhang) ou une totalité de
signification (
Bedeutungssgänze) : ce qui implique qu’il
faut commencer par dégager des ensembles avant de les interpréter.
La signification tient compte d’une « esthétique de
l’histoire » liée à une intuition du temps et
qui vient faire contrepoids à une esthétique de la nature liée à une
intuition de l’espace, telle que celle qui fut avancée par Kant
dans l’ « Esthétique transcendantale » de
sa
Critique de la raison pure. La catégorie centrale de Dilthey
demeure l’Histoire, sur laquelle il concentre tous les problèmes épistémologiques.
Conclusion
Le moment est venu de nous interroger sur le
modus vivendi qui prévaut,
au tournant du XXè siècle, entre les sciences de la nature et
les sciences de l’esprit.
À côté de la volonté de puissance philosophique manifestée
par Bergson, s’en prenant à la science du point de vue de la conscience,
mais en voulant finalement assimiler la science au point de vue de la conscience, à un
niveau qui serait supérieur à celui du sens commun, il y a, par
exemple, avec Dilthey, quelqu’un qui ne veut pas que la réalité humaine
soit traitée selon la méthode des sciences de la nature ;
aussi, pour faciliter la tâche des spécialistes en sciences humaines
et afin qu’ils ne tombent ni dans le piège de la métaphysique
ni dans celui de l’introspection, Dilthey propose un objet qui est la réalité historique
et sociale avec la détermination des ensembles historiques et sociaux
au sein desquels on retrouve l’individu avec toute son originalité et
toute sa subjectivité, mais ayant acquis une signification propre dans
ce que Dilthey appelle « l’ensemble de signification » ou
la « totalité de signification », et auquel Dilthey
donne un statut historique. Dilthey a traité des problèmes de la
conscience en les situant dans l’histoire, soit individuelle soit collective,
mais de manière à ce que toujours le point de vue individuel et
le point de vue collectif soient tenus dans une situation d’échange
réciproque.
Des questions identiques demeurent posées en ce qui concerne les problèmes
de la conscience, par exemple, en psychiatrie ou en psychanalyse ou dans d‘autres
disciplines des sciences humaines.
Bibliographie
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[1] Je renvoie au chapitre
IV, « Philosophies de la science positive », de mon ouvrage
Philosophie
des sciences de la nature, Paris : PUF, 1999 ; ainsi qu’à l’article « Les
philosophes de la science positive : Bacon, Comte, Bernard et Duhem »,
Studi
Filosofici, XXII, 1999, Bibliopolis, pp. 189-230.
[2] Je renvoie à mon
ouvrage
Dilthey et l’anthropologie historique, Paris : Seghers,
collection « Philosophes de tous les temps », 1971.
[3] Dans cette description,
je suis essentiellement la version donnée par Werner Heisenberg dans
son livre
La nature dans la physique contemporaine, traduit de l’allemand
par Ugné Karvelis et A. Leroy, Paris : Gallimard, collection Idées,
1962.
[4] Voir note 17.
[5] Je renvoie à mon
livre
Philosophie des sciences de la nature, op. cit., surtout au chapitre
V, « Philosophies scientifiques du XXè siècle »,
pp. 181-257.
[6] Ibid., p. 205, note
5.
[7] Voir
Philosophie
des sciences de la nature, op. cit., pp. 187-201.
[8] Auguste Comte, CPP,
24è leçon, (Paris, Hermann, I, p. 380).
[9] Voir
Philosophie
des sciences de la nature, op. cit., chapitre III, « Émergence
de la science moderne », pp. 103-104.
[10] Ibid., pp. 108-109.
[11] Pierre Duhem,
Essai
sur la notion de théorie (1908), Paris, Vrin, 1994, p. 68.
[12] Voir
Philosophie
des sciences de la nature, op. cit., p.105, note 2.
[13] CPP, op. cit., 2è leçon,
p.56.
[14] Information provenant
des travaux de Dieter Flamm (1997).
[15] Ernst Mach,
Die
Mechanik in ihrer Entwicklung historich-kritisch dargestellt, 1883.
[16] La nature dans
la physique contemporaine, op. cit., p. 14.
[17] Cf.
Œuvres,
Textes annotés par André Robinet, Introduction par Henri Gouhier,
Paris : PUF (1959), 1970 ; voir
L’évolution créatrice,
in
Œuvres, p. 803.
[18] Voir Angèle
Marietti,
Les formes du mouvement chez Bergson, Mémoire de Diplôme
d’Études Supérieures de Philosophie, Les Cahiers du Nouvel
Humanisme, pp. 43-44.
[19] Voir l’
Essai,
dans
Œuvres, p. 75-76 ;
Matière et mémoire,
dans
Œuvres, p.326-328 ;
L’Évolution créatrice,
dans
Œuvres, p. 755-760 ; dans
Les deux sources de la morale
et de la religion, dans
Œuvres, p. 1020 ; dans
La pensée
et le mouvant, dans
Œuvres, p. 1368, p. 1379-1380.
[20] Voir
Matière
et mémoire, dans
Œuvres, p. 328 : « Le
même sophisme apparaît plus clairement dans le troisième
argument (La Flèche), qui consiste à conclure, de ce qu’on
peut fixer des points sur la trajectoire d’un projectile, qu’on
a le droit de distinguer des moments indivisibles dans la durée du trajet ».
[21] Cité par
Henri Gouhier, dans l’« Introduction » des
Œuvres de
Bergson (PUF, 1970), p. XXIX.
[22] C’est la constatation
de Louis de Broglie, dans son article « Les conceptions de la physique
contemporaine et les idées de Bergson sur le temps et sur le mouvement »,
Revue
de Métaphysique et de Morale, 1941, p. 261. L’article est
repris en tant que le chapitre IX du livre de Louis de Broglie,
Physique
et microphysique, Albin Michel, 1947, pp. 191-211.
[23]Il semble que ce
soit à la page 784 des
Œuvres que se trouve le morceau auquel
fait allusion Louis de Broglie : « C’est à l’intérieur
du devenir qu’on se serait transporté par un effort de sympathie.
On ne se fût plus demandé où un mobile sera, quelle configuration
un système prendra, par quel état un changement passera à n’importe
quel moment : les moments du temps, qui ne sont que des arrêts de
notre attention, eussent été abolis ; c’est l’écoulement
du temps, c’est le flux même du réel qu’on eût
essayé de suivre. »
[24] Louis de Broglie,
Physique
et microphysique, op. cit., p. 195.
[25] Op. cit., p. 196.
[26] Louis de Brogflie,
op. cit., p. 199.
[27] Cf.
Essai,
in
Œuvres, p. 74.
[28] Louis de Broglie,
op. cit., p. 204.
[29] Voir Louis de Broglie,
Continu
et discontinu en Physique moderne, Paris : Albin Michel, 1941.
[30] Cf.
Essai,
in
Œuvres, pp. 138-139.
[31] Alan Sokal, Jean
Bricmont,
Impostures intellectuelles, Paris : Odile Jacob, 1997 ;
Le Livre de Poche, 1999 : voir pages 245-270.
[32] Cf. Jean Becquerel, « Critique
de l’ouvrage
Durée et simultanéité, in
Bulletin
des Étudiants de Paris, 10, n°2, mars-avril 1923, pp. 18-29.
[33] Louis de Broglie,
op. cit., p. 197.
[34] Ibid.
[35] Les formes du
mouvement chez Bergson, op. cit., p.22.
[36] Ibid.
[37] Op. cit., p. 23.
[38] Op. cit., p. 24.
[39] Matière
et mémoire ‘chapitre IV), voir
Œuvres, p.333.
[40] Voir mes articles
sur Bergson, dans
Carnets philosophiques, Paris : L’Harmattan,
2002.
[41] Wilhelm Wundt,
Éléments
de psychophysiologie (1873-1874), trad. A. Keller, Paris : Alcan,
1886.
[42] Gustav Fechner,
Éléments
de psychophysique, Leipzig, 1860.
[43] Wilhelm Dilthey,
Introduction à l’étude
des sciences humaines. Essai sur le fondement qu’on pourrait donner à l’étude
de la société et de l’histoire, traduit par Louis Sauzin,
Paris : PUF, 1942. Voir p. 31.
[44] Cf. Angèle
Kremer-Marietti,
Dilthey et l’anthropologie historique, Paris :
Seghers, 1971. Du même auteur, « Le vocabulaire de Dilthey » (Paris,
Ellipses, 2002).