Angèle Kremer Marietti

L’Homme biologique selon Comte et les théories nouvelles

Giornata di studi in memoria di Mirella Larizza, Pisa, 12 maggio 2000

Notes
Références

S’il est un domaine où Auguste Comte ait fait preuve d’originalité c’est moins dans le domaine des mathématiques dont il était un spécialiste que dans le domaine de la biologie, même si les critiques ne lui ont pas été épargnées en la matière : preuves en sont les notes, par ailleurs très documentées, qu’Allal Sinaceur a jointes à l’édition du Cours de philosophie positive paru chez Hermann ; notons, toutefois, un éloge appréciable de Comte venant de ce commentateur qui écrit, en effet : « L’épistémologie biologique comtienne est élaborée dans l’horizon de l’anatomie générale de Bichat et de l’anatomie comparée de Cuvier-Blainville. Horizon où il semble difficile de penser mieux qu’il n’a fait » [1]. Je souhaite montrer que, dans et malgré cet horizon, Auguste Comte a su être original et pertinent, au-delà des critiques qu’il a pu provoquer.

Au début de la quarantième leçon du Cours de philosophie positive Comte affirme que l’étude de l’homme, avec l’étude du monde extérieur, appartient au sujet de « toutes nos conceptions philosophiques » (CPP, 665). Selon la méthode objective, la philosophie positive est partie du monde pour aller vers l’homme ; mais, déjà, Comte annonce l’autre méthode qui sera dite subjective parce qu’elle va de l’homme vers le monde : la vraie philosophie devant concilier les deux méthodes (CPP, 666) [ 2].

Je suivrai le plan suivant : 1. De l’inorganique à l’organique ; 2. Un organisme déterminé et un milieu convenable ; 3. La théorie des milieux ; 4. L’expérimentation biologique ; 4.1. La méthode pathologique ; 4.2. L’expérimentation comparative ; 4.3. De la méthode pathologique à la méthode comparée ; 5. Critique et appréciation de Lamarck ; 6. Irritabilité et sensibilité ; 6.1. De la biologie à la psychologie ; 6.2. De la place fondatrice de l’affectivité ; 6.3. La constitution du signe. 7. Conclusion : la biologie, une science de l’homme dans son environnement.

 

1. De l’inorganique à l’organique

C’est donc après avoir développé la notion des lois de la nature que la philosophie positive fonde l’étude réelle de l’homme « sur la connaissance préalable du monde extérieur », puisque : « l’école positive n’a pas de caractère plus tranché que sa tendance spontanée et invariable à baser l’étude réelle de l’homme sur la connaissance préalable du monde extérieur » (CCP, 667). La biologie – et Comte a souligné le néologisme (CPP, 602, 742) [3] - est subordonnée à la science du monde extérieur ; c’est là un point capital pour Comte qui signifie que la science de la vie a atteint son caractère de positivité rationnelle. Dans le sixième opuscule relatif au traité de Broussais (1772-1838) qui s’intitulait De l’irritation et de la folie (1828), Comte avait, dès 1828, salué l’entrée de la physiologie dans le système définitif de la philosophie positive selon la définition qu’il donnait alors de la physiologie en retraçant rapidement le destin qui avait été imposé à cette science : « La physiologie étant, de toutes les parties de la philosophie naturelle, celle qui étudie les phénomènes les plus compliqués et les moins indépendants, a donc dû nécessairement rester plus longtemps qu’aucune autre sous le joug des fictions théologiques et des abstractions métaphysiques » [4]. Avec le Cours, Comte a fait un pas de plus vers l’objet positif de la biologie, puisqu’il y confirme le développement récent de la physiologie la plaçant au même niveau que les sciences cosmologiques selon le principe déjà explicité par Blainville (1777-1850) :  « La physiologie n’a commencé à prendre un vrai caractère scientifique, en tendant à se dégager irrévocablement de toute suprématie théologique ou métaphysique, que depuis l’époque, presque contemporaine, où les phénomènes vitaux ont enfin été assujettis aux lois générales, dont ils ne présentent que de simples modifications » (CPP, 667) [5].

L’assujettissement des faits biologiques aux lois générales conduira à ce qui sera considéré comme le principal dogme de Claude Bernard (1813-1878) : à savoir, l’identité des principes des sciences biologiques et physico-chimiques. En effet, l’approfondissement de cette remarque générale de Comte permet de considérer que les lois générales régissent le milieu avec lequel la vie est en harmonie ; il s’ensuit que les phénomènes vitaux peuvent être représentés comme de simples modifications de ce milieu ; or, la notion de milieu avec lequel l’être vivant est en harmonie est essentielle : car c’est l’harmonie avec le milieu qui, écrit Comte, « caractérise évidemment la condition fondamentale de la vie » (CPP, 676). Comme on le voit, Comte relie sa définition de la vie à sa théorie du milieu (CPP, 680) qui deviendra la « théorie des milieux » à la 43è leçon, en tant que la biologie est une « science non séparée » - selon l’expression de Canguilhem (1968) - des sciences inorganiques. Car, exactement comme pour la science écologique actuelle, pour Comte le ‘milieu’ est « la partie du monde avec laquelle un organisme vivant est en contact » [6].

Avec l’idée de milieu, il faut donc relever l’idée comtienne de l’absence d’antagonisme radical entre la « nature morte et la nature vivante » (CPP, 676). Aussi bien dans le domaine des corps que dans le domaine des esprits selon la psychologie qu’il tirera – c’est-à-dire dès la 44è leçon du Cours de philosophie positive : à partir des phénomènes d’irritabilité et de sensibilité - et qu’il développera jusque dans le Système de politique positive, Comte annule l’idée d’un antagonisme entre le vivant et le non-vivant. Cette vue de Comte, opposée aux positions d’un Bichat (1771-1802), devient saisissante si l’on se réfère aux biologistes du XXè siècle qui ne pourront encore définir exactement ce qu’est la vie ; comme le constatera Kurt Goldstein (1878-1965), neurologue et professeur de psychiatrie, spécialiste des lésions cérébrales, qui écrit « toutes […] tentatives de définitions se sont avérées impuissantes à déchiffrer le monde vivant.» [7]. C’est un fait actuel : les biologistes contemporains tentent de rattacher la vie à la matière inerte à travers l’idée d’une théorie uniciste faisant se rejoindre la matière et la vie. Ainsi, Comte, voulant considérer l’organisme dans son milieu, se place dans les thèses les plus avancées de son siècle sur l’objet biologique. La relation des phénomènes organiques s’inscrivant dans le cadre des phénomènes inorganiques s’impose aujourd’hui avec force ; elle interroge les scientifiques du XXè siècle, ainsi que le manifeste Kurt Goldstein dépeignant l’état de la science biologique dans la première moitié du vingtième siècle : « La question : en quoi le vivant se distingue-t-il du non-vivant ? présuppose qu’un point de départ entre les deux termes a déjà été fait. Nous sommes en présence d’un matériel multiforme, mais encore à l’état brut du point de vue scientifique. Ce matériel, c’est simplement le monde qui nous entoure et d’où se détachent immédiatement certains phénomènes ‘vivants’, sans que d’abord nous nous rendions compte du comment et que nous ayons à rendre compte du pourquoi de cette qualification » [8]. Notons que, dans la 1ère leçon de son Cours, Comte avait rejeté, comme l’avait fait auparavant Buffon (Théorie de la terre, 1er discours : De la manière de traiter et d’étudier l’histoire naturelle), la question pourquoi ?, au bénéfice de la question comment ? qui relève strictement de l’observation.

Quant à Bichat - dont les travaux partent de l’observation des phénomènes propres aux corps vivants -, son erreur fut de s’être surtout préoccupé, non pas de l’idée de concours, mais de l’idée de l’antagonisme entre le vivant et le non vivant, idée dont il avait hérité de l’ancienne philosophie. Selon ce théoricien, la lutte entre ces deux constitutions serait la base même de la vie ; de ce fait, Bichat n’aurait pu tenir pour valable la possibilité de l’idée comtienne selon laquelle un milieu favorable conditionne l’épanouissement de la vie. En la matière, l’objection majeure de Comte s’exprimait de la façon suivante : si « tout ce qui entoure les êtres vivants tendait réellement à les détruire, leur existence serait, par cela même, radicalement inintelligible » (CPP, 677) ; ils n’auraient, en effet, pas la force nécessaire pour résister à un tel obstacle et ils seraient vite anéantis dans cette lutte. Comte pensait, au contraire, qu’il faut compter autant avec le concours du milieu qu’avec son antagonisme. De plus, telle que Bichat la présente, la vie serait en tant que telle indépendante envers les phénomènes de nature physique ou chimique, et par conséquent envers ce que Comte appelle les lois générales de « la nature ambiante » (CPP, 677). En effet, Comte précise : « L’état de vie serait donc très vicieusement caractérisé par cette indépendance imaginaire envers les lois générales de la nature ambiante, par cette opposition fantastique avec l’ensemble des actions extérieures » (CPP, 677). Sur la question des rapports du milieu et de l’organisme nous renvoyons à l’article « Milieu » de C.F. Sacchi dans l’Encyclopaedia Universalis [9]. Dans le passage suivant de la 40è leçon, on remarquera l’importance accordée par Comte à la dépendance étroite des phénomènes vitaux par rapport aux influences extérieures, avec la distinction indispensable entre la multiplicité de ces influences et la limite normale de leur intensité :

« Le mode d’existence des corps vivants est, au contraire, nettement caractérisé par une dépendance extrêmement étroite des influences extérieures, soit pour la multiplicité des diverses actions dont il exige le concours déterminé, soit quant au degré spécial d’intensité de chacune d’elles. Il importe même de remarquer, afin de compléter cette observation philosophique, que, plus on s’élève dans la hiérarchie organique, plus, en général, cette dépendance augmente nécessairement, par la plus grande complication qu’éprouve le système des conditions d’existence à mesure que les fonctions se développent en se diversifiant davantage. Toutefois, pour qu’un tel aperçu soit exact, il faut considérer soigneusement, d’une autre part, que, si des fonctions extérieures plus variées multiplient inévitablement les relations extérieures, l’organisme, en s’élevant ainsi, réagit en même temps de plus en plus avec le système ambiant, de manière à le modifier en sa faveur. On doit donc distinguer à ce sujet, afin d’éviter toute exagération, entre la multiplicité des actions extérieures, et les limites normales de leur intensité. Si, sous le premier point de vue, l’organisme vivant, à mesure qu’il s’élève, devient incontestablement de plus en plus dépendant du milieu correspondant, il en dépend d’ailleurs de moins en moins sous le second aspect : c’est-à-dire que son existence exige un ensemble plus complexe de circonstances extérieures, mais qu’elle est compatible avec des limites de variation plus étendues de chaque influence prise à part. » (CPP, 678)

 

2. Un organisme déterminé et un milieu convenable

La citation précédente exprime clairement une loi préliminaire à la biologie qui est déjà une explication compréhensive de tous les mouvements d’action et de réaction, qui préoccupent Auguste Comte – et qui, il faut le souligner, constituent aujourd’hui l’objet de l’écologie scientifique et de toutes les sciences de l’environnement telles que la mésologie, la biochimie, la physiologie des plantes et celle des animaux, la microbiologie, la géobiologie, la biogéographie, l’agronomie, la climatologie agricole, etc. En effet, si on peut voir déjà se profiler ici une sorte de ‘pré-science’ psychosomatique, on peut surtout déjà discerner également et à plus forte raison une science écologique. D’ailleurs - et après avoir établi cette vérité de l’existence d’un milieu et de sa variable interaction avec les phénomènes vitaux -, Comte va s’appuyer sur les travaux de Blainville pour poser, avec la condition du milieu, la condition d’un organisme. Il y a, écrit-il, « deux conditions fondamentales corrélatives, nécessairement inséparables de l’état vivant, un organisme déterminé et un milieu convenable » (CPP, 680) : c’est ce que Comte appelle « la première base élémentaire de la vraie philosophie biologique » (CPP, 680) ; or, on ne le sait pas assez, mais aujourd’hui « l’organisme et le milieu constituent le binôme fondamental de l’écologie » : par conséquent, ce qui pour Comte est la « première base élémentaire de la vraie philosophie biologique » n’est autre que le principe de la science écologique actuelle[10]. Il faut noter, en effet, que l’environnement est compris aujourd’hui par les écologistes comme tout ce qui entoure un organisme et le soumet à des influences agissant sur son développement et sa physiologie, ces facteurs environnementaux étant également sous l’influence de l’organisme, selon un échange d’actions et de réactions : échange d’actions et réactions sur lequel Comte ne cessait d’insister et qu’il souhaitait déjà connaître exactement. L’idée de vie suppose, pour Comte comme elle le supposait pour Blainville, les deux éléments nécessaires de l’organisme et de son milieu. Le milieu qui est, du point vue strictement écologique, l’environnement d’un organisme, et l’organisme même, sont en action et réaction l’un envers l’autre : l’ensemble des circonstances extérieures et l’individu sont en relation réciproque et justifient pour Comte une définition de la vie qui en résulte directement : « c’est de l’action réciproque de ces deux éléments que résultent inévitablement tous les divers phénomènes, non seulement animaux, comme on le pense ordinairement, mais aussi organiques » (CPP, 682).

Évoquant la distinction aristotélicienne entre la vie animale et la vie organique, Comte l’atténue en précisant leur rapport : « la vie animale ne constitue qu’un simple perfectionnement complémentaire, surajouté, pour ainsi dire, à la vie organique ou fondamentale, et propre, soit à lui procurer des matériaux par une intelligente réaction sur le monde extérieur, soit même à lui préparer ou à faciliter ses actes par les sensations, les diverses locomotions, ou l’innervation, soit enfin à la mieux préserver des influences défavorables »(CPP, 681) : il en est ainsi pour l’homme lui-même. Cela étant dit, l’existence organique a pour caractère prépondérant la vie animale. Il s’ensuit que l’idée de fonction ou d’acte est une idée biologique nécessaire qui pose pour Comte le problème biologique d’une façon très précise ; à savoir : « étant donné l’organe ou la modification organique, trouver la fonction ou l’acte , et réciproquement » (CPP, 684). Il s’agit donc d’établir un lien invariable de la double idée, à la fois générale et spéciale, d’organe et de milieu, avec l’idée de fonction.

 

3. La théorie des milieux

La biologie positive, telle que Comte la conçoit, rattache le point de vue anatomique au point de vue physiologique ; c’est dire qu’elle joint l’état statique et l’état dynamique ; en cela, Comte a la juste impression de s’écarter des habitudes scientifiques de son époque. En tout cas, avec l’idée de milieu – dont Comte a diffusé la notion et le terme (CPP, 682) [11] - un troisième élément s’impose à côté de l’anatomie et de la physiologie, c’est la théorie générale des milieux organiques et de leur action sur l’organisme (CPP, 685) : une idée dont Lamarck (1744-1829) est considéré par Comte comme le créateur, et que Blainville exprimait quand il proposait l’étude des modificateurs externes, généraux ou spéciaux : cette théorie est aussi ce que Bertillon (1821-1883) nommait « mésologie ». La notion de «théorie des milieux » est définie comme suit dans l’article de Littré et Robin du Dictionnaire de Médecine de Nysten (10è éd.,1855, p.811) : « On donne le nom de science ou théorie des milieux à une science qui a pour objet : d’une part, le tout complexe représenté par les objets qui entourent les corps organisés ; puis, d’autre part, ces corps eux-mêmes ; et pour but ou objet la connaissance des conditions de relations des premiers aux seconds. Car ces conditions de relations sont autant de conditions d’existence pour l’être organisé. »

Comte place l’étude de l’homme au centre de l’objet de la biologie ; aussi la notion même de l’homme constitue-t-elle pour lui l’unité biologique fondamentale à partir de laquelle nous pouvons estimer les autres systèmes organiques. Cette option comtienne contribue à une biologie positive humaniste selon laquelle « l’étude de l’homme doit toujours hautement dominer le système complet de la science biologique, soit comme point de départ, soit comme but » (CPP, 686). Comte distingue aussi l’étude de l’homme comme étant « la seule unité fondamentale d’après laquelle nous puissions apprécier, à un degré plus ou moins exact, tous les autres systèmes organiques » (CPP, 686). Or, Kurt Goldstein prend les mêmes voies que Comte lorsqu’il écrit : « Prenant l’homme comme point de départ, nous chercherons à comprendre à partir de son comportement celui des autres êtres vivants » [12] ; le même auteur précise : « Si nous essayons, sans parti-pris théorique, de saisir les organismes en ce qu’ils ont de spécifique, c’est immédiatement vers l’homme que nous nous tournons comme vers le point de départ le plus simple d’une pareille investigation » [13].

 

4. L’expérimentation biologique

Loin de condamner l’expérimentation biologique, Auguste Comte passe en revue toutes les méthodes légitimes pour constater que les ressources de l’observation biologique sont supérieures à celles de l’observation chimique, étant donné la complication supérieure des phénomènes vivants (CPP, 687). Aussi n’oublie-t-il pas de glorifier les grands noms des différentes étapes expérimentales en biologie : Harvey (1578-1657) sur la circulation, Haller (1708-1777) sur l’irritabilité, Spallanzani (1729-1799) sur la digestion et sur la génération, Bichat sur le cœur, le cerveau et le poumon, Legallois (1770-1814) sur la chaleur animale. Puisque les phénomènes biologiques dépendent de deux ordres bien distincts de conditions fondamentales, les unes relatives à l’organisme, les autres au système ambiant, de ce double fait, il s’ensuite pour Comte deux modes différents d’appliquer la méthode expérimentale : par l’introduction de perturbations déterminées soit dans l’organisme soit dans le milieu. Étant donné surtout l’harmonie entre le milieu et l’organisme dont il estime l’importance, Comte fait deux constatations ; il constate : 1. que « la vie est bien moins compatible avec l’altération des organes qu’avec celle du milieu ambiant » (CPP, 692) ; et 2. que « le consensus des différents organes entre eux est tout autrement intime que l’harmonie avec le milieu » (CPP, 692). Comte veut dire, d’une part, que l’altération des organes peut davantage compromettre la vie que ne pourrait le faire le milieu ambiant, ou, du moins que c’est précisément par l’altération des organes que le milieu ambiant pourrait perturber la vie de l’organisme. Et, d’autre part, il veut dire que l’harmonie entre le milieu et l’organisme est moins intime que n’est le consensus des organes entre eux. C’est d’ailleurs à partir de telles constatations que Comte réprouvera la pratique de la vivisection (CPP, 682). Au lieu de cette dernière expérimentation qu’il jugeait artificielle, Comte proposait l’expérimentation naturelle qu’apportent les maladies.

4.1. La méthode pathologique

À la base de cette notion d’expérimentation reposant sur la pathologie se tient le principe de Broussais selon lequel « l’état pathologique ne diffère point radicalement de l’état physiologique » (CPP, 695) ; ce qui entraîne chez Comte la conclusion que « l’examen scientifique des phénomènes pathologiques est éminemment propre à perfectionner les études uniquement relatives à l’état normal » (CPP, 696). Comte énonce là encore une position analogue à celle que prendra Kurt Goldstein, qui écrit « le fonctionnement morbide comme tel nous paraît être un phénomènes biologique si important que son étude nous sera certainement du plus grand profit pour comprendre les phénomènes de la vie » [14].

Poursuivant ce mode d’exploration de l’organisme, Auguste Comte affirme qu’il est applicable, non seulement aux humains, mais encore aux animaux et aux végétaux (CPP, 698). Comte regrette que cet examen ne soit pas systématiquement appliqué : il déplore surtout qu’on ne tire pas davantage de l’examen des phénomènes pathologiques, aussi tente-t-il d’y inciter en tentant de systématiser le processus de cette expérimentation. Il souligne que l’analyse pathologique intéresse tous les organismes et les divers phénomènes d’un même organisme. En ce qui concerne les phénomènes nerveux – et c’est aussi ce qui le rapproche du psychiatre qu’est Kurt Goldstein -, Comte affirme que l’observation des maladies du système nerveux apporte un moyen privilégié de « perfectionner l’exacte connaissance de leurs véritables lois » (CPP, 697). Mais, en ce qui concerne les maladies organiques, leur étude permet aussi une contribution à l’ensemble des procédés de l’exploration biologique, car la science «d’après d’heureuses analyses particulières tend de plus en plus à […] ramener [les maladies organiques] directement, en général, aux lois fondamentales de l’organisme régulier » (CPP, 698). Que l’expérimentation soit directe ou indirecte, elle doit suivre des règles qui doivent tout d’abord avoir en vue un but nettement déterminé, « c’est-à-dire tendre à éclaircir tel phénomène organique, sous tel aspect spécial » (CPP, 698). Mais l’expérimentation doit encore permettre de connaître par l’observation l’état normal de l’organisme  ainsi que « les vraies limites de variation dont il est susceptible » (CPP, 698). Comparant toute expérience sur un corps vivant à une maladie, Comte donne le cadre méthodologique de la poursuite de l’expérimentation pathologique : il s’agit d’un problème biologique à résoudre compte tenu de l’état normal d’un organisme et de tous ses états possibles.

4.2. L’expérimentation comparative

Outre la méthode pathologique, la méthode comparative est à pratiquer selon les perspectives expérimentales de Comte qui la trouve particulièrement adaptée à l’étude des êtres vivants (CPP, 699), car ses conditions fondamentales consistent dans le concours de l’unité essentielle du sujet avec la diversité de ses modifications affectives. Ces deux caractères d’unité et de diversité se trouvent réalisés dans l’étude des phénomènes biologiques. En effet Comte souligne et affirme que « tout le système de la science biologique dérive […] d’une seule conception philosophique : la correspondance générale et nécessaire, diversement reproduite et incessamment développée, entre les idées d’organisation et de vie » (CPP, 699) [15]. D’une part, l’unité fondamentale est parfaite ; sous le point de vue anatomique, elle se manifeste dans le fond commun de structure et de composition de tous les organismes et de toutes les parties de chaque organisme ; sous le point de vue physiologique, une vitalité commune caractérise tous les êtres vivants depuis le végétal jusqu’à l’homme. D’autre part, la diversité des modifications est indéfinie, qu’elles soient statiques ou dynamiques (CPP, 699, 701). Quant à la considération de l’homme, elle permet de voir constituée une unité fondamentale, susceptible de servir à la coordination systématique de la série entière des cas biologiques (CPP, 700). Après l’analyse de l’homme envisagé à l’état adulte et au degré normal pour avoir « la grande unité scientifique selon laquelle s’ordonnent les termes successifs de l’immense série biologique »(CPP, 700), Comte recommande de descendre « jusqu’aux organisations les plus simples et aux modes d’organisation d’existence les plus imparfaits » (CPP, 700). Et, là encore, nous trouvons des positions analogues chez Kurt Goldstein dans l’idée d’inverser la marche habituelle des classifications et des études biologiques ; celui-ci écrit qu’il suit effectivement la marche inverse à la marche habituelle [16]. Comte demande qu’on reprenne intégralement l’ensemble des études pour approfondir les connaissances par la comparaison du terme primordial (l’humain) à tous les autres termes de plus en plus simples ou de moins en moins complexes (CPP, 701). Mais réciproquement il propose l’analyse comparative des complications graduelles en remontant du type le plus inférieur jusqu’à l’humain.

La méthode comparée présente aux yeux de Comte cinq aspects généraux sur la base de la comparaison : que celle-ci se fasse : 1. entre les diverses parties de chaque organisme, 2. entre les sexes, 3. entre les phases d’un développement, 4. ente les races ou variétés d’une espèce, 5. enfin entre tous les organismes. Chaque fois, l’organisme est présenté à l’état normal. Toutes les différences observées sont prises comme de simples modifications survenues sur la base d’un type fondamental abstrait : les cas envisagés étant alors conçus comme analogues sous le point de vue considéré.

4.3. De la méthode pathologique à la méthode comparée

Comte envisage comme normal le passage de la méthode pathologique à la méthode comparée, tout en maintenant le primat de l’observation pathologique. L’homme adulte et normal est tenu pour l’unité fondamentale, du point de vue anatomique, tandis qu’au point de vue physiologique est saisie l’identité fondamentale de ce que Comte appelle le « phénomène principal qui caractérise la fonction proposée, à travers les modifications graduelles que présente la série entière des cas comparés » (CPP, 703) : le principe de la méthode comparative n’est autre que la « théorie des analogues » due à Geoffroy Saint-Hilaire (1772-1844). Ainsi, la comparaison entre les diverses parties d’un même organisme est intéressante car elle montre, du moins pour l’humain, la similitude de structure et de fonction des diverses parties principales ainsi que leurs différences. La comparaison des différentes phases de chaque développement consiste dans « le rapprochement des divers états par lesquels passe successivement chaque corps vivant depuis sa première origine jusqu’à son entière destruction » (CPP, 704). Comte fait allusion aux difficultés d’examiner l’organisation et la vie intra-utérines. Enfin, la comparaison de tous les termes distincts de la hiérarchie des êtres vivants établit les vrais rapports de subordination : Comte la compare à l’analyse mathématique ; en effet, « elle présente surtout […] la propriété essentielle de mettre en évidence, dans chaque suite indéfinie de cas analogues, la partie fondamentale réellement commune à tous, et qui, avant cette généralisation abstraite, était profondément enveloppée sous les spécialités secondaires de chaque cas isolé » (CPP, 706).

Ces comparaisons permettent de conclure que le « règne organique » (CPP, 764) comporte une unité fondamentale qui « exige », écrit Comte, « que tous les divers tissus élémentaires soient rationnellement ramenés à un seul tissu primitif » (CPP, 764) ; mais à l’intérieur de ce tissu, il n’est pas encore question pour Comte de ramener l’analyse à de prétendues « monades organiques » qui le constitueraient, c’est-à-dire à cette « cellule » dont Theodor Schwann (1810-1882) fit en 1839 l’organisme constitutif des animaux [17]. Comte admettait l’existence de ce qu’il appelait des « molécules indivisibles » uniquement pour la « philosophie inorganique » (CPP, 765), non pas l’existence d’ « animalcules » ; Comte évoquait couramment cependant le « tissu cellulaire » ou « l’organisation celluleuse » (CPP, 761) formant pour lui « la trame essentielle et primitive de tout organisme, puisqu’il est le seul qui se retrouve constamment à chaque degré quelconque » (CPP, 761). Dans le Système, la référence au tissu cellulaire se trouve confirmée, puisqu’il est reconnu comme «unique base de toute structure organique » (SPP , I, 649). Rendant alors hommage à Schwann, Auguste Comte signale ce qu’il appelle la « lacune » du Cours de philosophie positive sur la question.

 

5. Critique et appréciation de Lamarck

C’est à partir du lamarckisme qu’intervient la question de la continuité ou de la discontinuité de la progression organique. En admettant l’hypothèse de Lamarck, qui voit une succession des états organiques par des transitions imperceptibles, il faudrait conclure à la continuité rigoureuse de la série ascendante. Mais Comte pose en principe la discontinuité de cette série en optant pour la fixité fondamentale des espèces vivantes, « car, affirme-t-il, l’idée d’espèce qui constitue, par sa nature, la principale unité biotaxique, cesserait presque absolument de comporter aucune exacte définition scientifique si nous devions admettre la transformation indéfinie des diverses espèces les unes dans les autres, sous l’influence suffisamment prolongée de circonstances extérieures suffisamment intenses » (CPP, 776). Cette position sera maintenue dans le Système de politique positive.

Réfutant la théorie de Lamarck, Comte en discerne clairement les deux principes ; ils paraissent incontestables mais toutefois mal définis. Le premier est l’aptitude essentielle d’un organisme quelconque « à se modifier conformément aux circonstances extérieures où il est placé » (CPP, 776) ; le second est la tendance à fixer par la transmission héréditaire « les modifications d’abord directement individuelles, de manière à les augmenter graduellement à chaque génération nouvelle, si l’action du milieu ambiant persévère identiquement » (CPP, 776). D’après cette combinaison de propriétés indéfinies, « tous les organismes pourraient être envisagés comme ayant été, à la longue, successivement produits les uns par les autres » (CPP, 776). Or, Comte voit dans cette théorie une notion erronée de la nature générale de l’organisme vivant. Pour lui, du fait qu’un organisme déterminé est en relation avec un milieu, c’est-à-dire avec « un système également déterminé de circonstances extérieures » (CPP, 777), il n’en résulte pas que l’une de ces deux forces ait produit l’autre. L’influence du milieu et l’aptitude de l’organisme sont selon Comte très circonscrites ; de plus, l’organisme se modifie d’autant plus facilement qu’il est plus élevé dans la hiérarchie. Dès lors, l’hypothèse de Lamarck, écrit Comte « exigerait, en sens inverse, la plus grande aptitude à la modification dans l’organisme le plus inférieur, ce qui serait évidemment absurde » (CPP, 778). Pour Comte la théorie de Lamarck est en contradiction avec les notions fondamentales de l’organisation et de la vie : elle supposerait « le plus de vie là où il y a le moins d’organisation » (CPP, 778). C’est pourquoi Comte préfère le fixisme de Cuvier (1769-1832) qui confirme ses propres observations au sujet de l’espèce humaine dans laquelle « la nature fondamentale reste évidemment invariable » (CPP, 779). Comte émet ce qu’il appelle une grande loi naturelle et qui est : « la tendance essentielle des espèces vivantes à se perpétuer indéfiniment avec les mêmes caractères principaux, malgré la variation du système extérieur de leurs conditions d’existence » (CPP, 779). L’espèce se modifie d’après Comte jusqu’à un point où elle périt.

Comte n’est cependant pas sans apprécier la théorie lamarckienne : par la controverse qu’elle a suscitée, elle a introduit un nouvel aspect concernant les circonstances extérieures, même si la théorie lamarckienne des milieux n’est guère explicite. En effet, la théories des milieux organiques, telle que Comte l’expose, est une théorie originale qui dépend directement de la notion de milieu sans laquelle il ne peut concevoir l’existence d’un organisme (CCP, 798). Comte analyse les diverses conditions essentielles de l’existence des corps vivants et cette analyse constitue l’objet de sa théorie des milieux organiques. Comme dans l’écologie actuelle, un certain nombre de facteurs extérieurs sont impliqués que Comte envisage également : facteur thermique, gravité ou pesanteur, eau, gaz, L’action de la pesanteur vient en tête : en particulier son influence positive (CPP, 799) sur l’accomplissement des phénomènes physiologiques ; vient ensuite la pression générale qu’exerce sur l’organisme le milieu gazeux ou liquide. Le mouvement et le repos exercent une influence indispensable à l’état vital. L’action thermique du milieu ambiant tend à modifier la structure intime des corps vivants. De même, la lumière, l’électricité ont une action sur l’organisme. Comte met hors de doute « le besoin fondamental d’une certaine influence, lumineuse et électrique, du milieu ambiant pour la production et l’entretien de la vie, dans tous les modes et à tous les degrés qu’elle comporte » (CPP, 803). Avec les influences physiques, il faut encore étudier, selon Comte, la détermination rationnelle de l’influence physiologique exercée par l’air et l’eau : le mélange de ces deux éléments, écrit Comte, « comporte directement le milieu commun nécessaire à tous les êtres vivants » (CPP, 804). Certes, Comte part des travaux de Blainville qui ne sépare pas l’étude de l’air de celle de l’eau, comme le font les physiciens et les chimistes de l’époque.

Pour Comte la biologie est un vaste territoire d’étude, aux recherches à la fois spéculative et abstraite, qui se décompose en statique et dynamique « suivant qu’on cherche les lois de l’organisation ou les lois de la vie » (CPP, 743). L’ensemble de la biologie se divise en biotomie (anatomie) , biotaxie (biologie statique) et bionomie (physiologie pure) (CPP, 744). L’étude de la série biologique se conforme à l’ordre partant de l’homme quand il s’agit de la vie animale, mais l’ordre inverse est préférable quand il s‘agit de la vie organique, car, explique Comte, les fonctions de la vie organique sont essentiellement chimiques et alors « il est moins nécessaire de commencer par l’homme » (CPP, 746). Concevant « une seule série générale » (CPP, 767), Comte voit se former « la coordination hiérarchique de tous les organismes connus, tout comme Aristote voyait la nature s’élever continûment de l’inerte au vivant. Comte s’oppose à « la vaine démarcation fondamentale que les métaphysiciens on été […] forcés d’établir entre les animaux et les hommes » (CPP, 857) : donc pas de discontinuité entre l’animal et l’homme, si bien que l’étude du moi doit disparaître sous « l’étude finale de cet équilibre général des diverses fonctions animales, tant d’irritabilité que de sensibilité […] » (CPP, 857)

 

6. Irritabilité et sensibilité 

Aussi Comte énonce-t-il sa théorie positive de l’animalité , fondée sur « la corrélation des deux notions élémentaires de l’irritabilité et de la sensibilité » (CPP, 825). Cette théorie doit permettre de prévoir les modes de réaction d’un organisme animal donné, dans des circonstances connues et déterminées : là encore, Comte cherche à établir les lois de l’action et de la réaction. Les lois réelles de l’animalité dépendent de la liaison intime de la vie animale avec la vie organique. Dans l’espèce humaine, la vie végétative est subordonnée à la vie animale. Comte regrette vivement que la science de son temps soit encore très insuffisante quant aux résultats des enquêtes sur la sensibilité et sur l’irritabilité.

En ce qui le concerne, Comte se représente une sorte de psychophysique avant la lettre ; c’est ce qui apparaît quand il écrit : « la théorie des sensations est nécessairement subordonnée aux lois physiques correspondantes, comme cela est surtout manifeste pour les théories de la vision et de l’audition comparées à l’optique et à l’acoustique, en ce qui concerne le vrai mode général d’action propre à l’appareil oculaire ou auditif » (CPP, 834). Comte demande qu’il soit fait un accueil favorable aux expériences de Pinel Grandchamp et Foville [18] qui tentèrent de déterminer le siège distinct des saveurs dans des parties correspondantes de l’organe du goût : « car , écrit-il, un tel exemple est très propre à faire ici nettement comprendre en quoi doit surtout consister le perfectionnement positif de l’étude préliminaire des sensations, qui se réduit en effet principalement à développer, avec une précision toujours croissante, l’harmonie fondamentale entre l’analyse anatomique et l’analyse physiologique » (CPP, 836).

C’est ainsi que Comte est naturellement amené à traiter les phénomènes intellectuels et moraux comme appartenant à la fois aux phénomènes de l’irritabilité et à ceux de la sensibilité proprement dite. Deux classes de considérations interviennent ; les unes se rapportent à chaque fonction de mouvement et de sensation, les autres à l’association de ces diverses fonctions. La première classe constitue « la théorie de l’intermittence de l’action » (CPP, 836), la seconde celle de l’habitude. Le sommeil s’explique, selon Bichat que reprend Comte, par la théorie de l’intermittence d’action. Comte soulève le problème des songes et du somnambulisme : chez les animaux, les songes peuvent être dirigés par des observateurs, à l’aide d’impressions extérieures sur les sens dont l’action est involontaire . La théorie de l’habitude sert d’axe de la théorie de l’intermittence de l’action : Comte rattache la loi de l’habitude - peu étudiée jusque-là – à la loi universelle de l’inertie. Il propose que des études s’orientent sur les questions du plaisir et de la douleur, d’un point de vue physique et moral, également sur les questions de l’ennui, de la santé, du bien-être et même du bonheur (CPP, 839-840).

Sympathie (notion due à Bichat) et synergie (notion due à Barthez) forment les deux parties essentielles de l’étude générale de l’association des fonctions animales. Comte précise : « Il y a synergie toutes les fois que deux organes concourent simultanément à l’accomplissement régulier d’une fonction quelconque, tandis que toute sympathie suppose, au contraire, une certaine perturbation, momentanée ou persistante, partielle ou plus ou moins générale, qu’il s’agit de faire cesser par l’intervention d’un organe non affecté primitivement » (CPP, 840). L’étude de la synergie ne présente pas un caractère scientifique suffisant, mais Comte pense qu’elle pourrait conduire à une théorie capitale, celle de l’unité fondamentale de l’organisme animal, où il pense qu’il faudrait chercher « la vraie théorie du moi, si absurdement dénaturée par les vaines théories des métaphysiciens » (CPP, 841). C’est ce qui me fait penser que Comte approuverait certainement des recherches comme celles de l’actuelle Association pour l’étude scientifique de la conscience (ASSC : Association for the Scientific Study of Consciousness) : en effet, pour lui les études biologiques convergent normalement vers la psychologie scientifique, qu’elle soit physique, physiologique ou somatique. Ce que Comte a su voir, c’est l’unité de l’organisme dans la notion de ce qu’il appelle « la corrélation nécessaire entre les idées d’organisation et les idées de vie » (CPP, 738). Il existe pour lui – comme pour Kurt Goldstein – une totalité organique, puisque, « par cela même que tel organe fait partie de tel être vivant, il concourt nécessairement, d’une manière déterminée quoique peut-être inconnue, à l’ensemble des actes qui composent son existence » (CPP, 738).

6.1. De la biologie à la psychologie

Partis de la biologie, nous voici donc arrivés à la psychologie. L’étude des fonctions affectives et intellectuelles consiste, pour Comte, dans l’examen expérimental et rationnel des phénomènes de sensibilité intérieure ; il s’agit là, dit-il, d’un « simple prolongement général de la physiologie animale jusqu’à ses dernière attributions fondamentales » (CPP, 849-850). On comprend donc qu’opposé à l’introspection, dénuée de toute garantie scientifique, Comte soit partisan d’une étude systématique des fonctions affectives et intellectuelles. Dès 1828, le sixième opuscule avait donné l’essentiel de sa pensée sur ce mode de recherche. Comte s’était rallié à Broussais qui, écrivait-il, « a dignement compris combien il importe de s’opposer à la direction vague et chimérique dans laquelle on cherche à entraîner aujourd’hui la jeunesse française » [19]. C’était d’ailleurs pourquoi Broussais avait interrompu ses travaux de pathologie générale pour dénoncer la nullité de la psychologie.

Comte veut aller plus loin que Broussais en démontrant que l’observation intérieure « est nécessairement impossible » [20]. Dans la première leçon de son Cours de philosophie positive Comte a voulu prouver la nullité de la méthode psychologie utilisée depuis plus de deux mille ans. Une lettre à Valat du 24 septembre 1819 précise l’objet de sa critique. Si le sujet ne peut pas se dédoubler, il n’y a pas davantage de dualité sujet-objet pour Comte. De même, Comte nie le prétendu antagonisme entre la réalité psychologique et la réalité matérielle : cette positions se confirmera dans le Système de politique positive (SPP, III, 617) dans lequel Comte affirme que la « science réelle » élude le dualisme de l’âme et du corps. Dans cette solution au fameux mind/body problem, Comte est rejoint aujourd’hui par les cognitivistes dont les travaux des époux Churchland se font l’écho [21]. Ce que montre Comte et qui est aussi l’objet des recherches actuelles, c’est le fait que la recherche des lois de la matière vivante, qui est une réalité matérielle, peut conduire à la découverte des lois de la réalité psychologique. Comte déclare impuissante la méthode métaphysique devant la tâche à laquelle elle a été appliquée. Les fonctions affectives et intellectuelles ne peuvent être directement observées durant leur accomplissement.

6.2. La place fondatrice de l’affectivité

De plus, Comte critique les psychologues de s’être uniquement attachés à l’étude de l’intelligence au mépris de celle des affections ; ils n’ont pas compris ce qui est pour Comte une évidence : « les affections, les penchants, les passions, constituent les principaux mobiles de la vie humaine ; et […], loin de résulter de l’intelligence, leur impulsion spontanée et indépendante est indispensable au premier éveil et au développement continu des diverses facultés intellectuelles, en leur assignant un but permanent, sans lequel, outre le vague nécessaire de leur direction générale, elles resteraient essentiellement engourdies chez la plupart des hommes » (CPP, 856). Avec son intérêt pour l’affectivité Comte a eu une juste intuition des réalités qui intéresseront les chercheurs ultérieurs : tels Sigmund Freud, René Zazzo, John Bowlby ou Jean-Paul Sartre [22].

Le rapport à l’affectivité se confirmera dans l’évolution du positivisme ; il apparaît manifestement dans le « Tableau cérébral » dans lequel l’affectivité occupe une place fondamentale. En effet, les données "biosociologiques" de la 50e leçon (écrite avant le 1er juillet 1839) se sont prolongées et développées avec le Tableau des fonctions cérébrales, que Comte dit avoir conçu à partir de 1847 jusqu'en 1850 (SPP, I, 680) : en 1851, dans le tome I du Système de politique positive, ce tableau montre à l'évidence que la spéculation et l'action sont dominées par l'affection. Répondant à un processus de décomposition binaire, le Tableau cérébral pose, entre l'égoïsme complet et le pur altruisme, l'échelle des affections intermédiaires (SPP, I, Introduction fondamentale, 3, 692-693). Comte rappelle le principe classificatoire dont procède ce Tableau, confirmant le succès d'une logique de la découverte qui lui est propre.

Le rapport fondamental à l’affectivité se dégage également de l’étude du langage développée au second tome du Système de politique positive [23]. Car, si l'expression résulte du sentiment, réciproquement elle a le pouvoir de le développer en même temps que de le consolider (SPP, II, 242). Il s’agit d’une réaction normale qui concerne les affections aussi bien que les instincts sympathiques. De plus, pour Comte, le langage est avec la pratique le plus puissant stimulant du sentiment. Comte s’oppose fortement aux systèmes qui retracent une vue purement idéologique de l’esprit. Aussi, par le fait de la méthode objective et positive, la notion de moi résulte-t-elle de l’équilibre général des diverses fonctions, à la fois d’irritabilité et de sensibilité, qui caractérisent l’état normal. Le consensus de l’ensemble de l’organisme, qui est aussi un « sentiment continu d’une telle harmonie » (CPP, 857), est donc aussi seule cause du sentiment du moi qui n’a désormais plus rien de mystérieux.

Comte n’accepte pas davantage la séparation établie par les psychologues entre l’instinct et l’intelligence. Pour lui, l’instinct, qui est « une impulsion spontanée vers une direction déterminée, indépendamment d’aucune influence étrangère » (CPP, 858), ne contraste guère avec l’intelligence « lorsqu’on parle de ceux qui, sans aucune éducation, manifestent un talent prononcé pour la musique, pour la peinture, pour les mathématiques, etc. » (CPP, 858). Et, si, en outre, on définit l’intelligence, ainsi que le rappelle Comte, comme « l’aptitude à modifier sa conduite conformément aux circonstances de chaque cas » (CPP, 858), on ne peut faire de différence entre l’animalité et l’humanité. À ce propos je rappelle que Nietzsche parlera plus tard d’un « sens de la vérité » qui n’est souvent rien d’autre que le « sens de la sécurité » commun à l’homme et à l’animal (voir Aurore, I, §.26). S’appuyant sur la lecture de l’ouvrage de Georges Leroy intitulé Lettres sur les animaux (1762-1781), dans lequel l’auteur a noté ses observations sur la construction des habitations, le système de chasse, le mode de migration des animaux, Comte souhaite l’essor de la psychologie animale ; aussi Comte reprend-il la formule de Blainville : « l’instinct est la raison fixée ; la raison l’instinct mobile » (CPP, 859-860).

C’est à Spurzheim et Gall que Comte doit ses premières notions de psychologie scientifique ; il en retient deux principes philosophiques : d’une part, « l’innéité des diverses dispositions fondamentales, soit affectives, soit intellectuelles » ; d’autre part, « la pluralité des facultés essentiellement distinctes et radicalement indépendantes les unes des autres, quoique les actes effectifs exigent ordinairement leur concours plus ou moins complexe » (CPP, 863). Aussi Comte reprend la distinction de Gall au sujet des facultés affectives avec les penchants, les sentiments ou affections ; il fait de même au sujet des facultés intellectuelles. Mais, heureusement, Comte ne s’en tient pas à la physiologie cérébrale de Gall dont il reconnaît les principaux défauts : il en critique la qualité des analyses quant à la répartition du cerveau en ses divers organes ; de plus la physiologie cérébrale de Gall ne s’est subordonnée à aucune vraie détermination anatomique. Plutôt que de se contenter de l’analyse phrénologique qui est, écrit-il, « entièrement à refaire » (CPP, 876) et qui risque de sombrer dans un « charlatanisme grossier et funeste » (CPP, 881), Comte recommande le recours à l’analyse pathologique et à l’analyse comparative. Suivant Broussais, pour l’assimilation des cas pathologiques aux cas physiologiques, dans ce domaine Comte pense que, d’une manière générale, l’animalité et l’humanité peuvent se servir d’explication mutuelle.

6.3. La constitution du signe

Pour Comte, il faudrait plutôt adapter l’analyse purement physiologique des facultés à une analyse anatomique de l’appareil cérébral. Or, c’est là une recherche poursuivie actuellement : la « méthode des lésions » de Damasio permet de mettre en lumière certains systèmes de neurones sous-tendant différents types de connaissance. De même, aujourd’hui on peut voir Jerry Fodor [24], dans son architecture de la cognition, revenir globalement à la thèse des localisations de Gall et Spurzheim, mais en rejetant l’idée de relier ponctuellement les fonctions supérieures du cerveau à son organisation. Inversement, les cognitivistes recherchent les bases autant anatomiques que physiologiques du fonctionnement du cerveau. Aussi ne sera-t-on pas étonné de trouver chez Comte une thèse de la constitution du signe qui ne manque pas d’intérêt dans la nouvelle configuration du savoir cognitique.

La « théorie positive de la nature humaine » mise sur pied par Comte pour régler les conditions d’existence individuelle prolonge la théorie psychophysiologique de la 46è leçon. Finalement, l’économie de l’entendement n’est qu’une extension de la dépendance biologique de l’être vivant envers le milieu qui lui correspond. Le tout de l’objet et du sujet comprend des éléments solidaires dont la solidarité, pour une part, dépend de la régulation intérieure de l’individu avec le milieu selon une base physiologique. On connaît le dénombrement des dix « moteurs affectifs », des cinq « fonctions intellectuelles, et des trois « qualités pratiques » du Tableau cérébral. Ces éléments constituent un point de départ pour saisir ce que la 45è leçon dénomme « le système total de l’économie animale » (CPP, 880), puisque « l’ensemble des phénomènes intellectuels et affectifs, malgré leur extrême importance, ne constitue, dans le système de l’économie animale, qu’un indispensable intermédiaire entre l’action du monde extérieur sur l’animal à l’aide des impressions sensoriales, et la réaction finale de l’animal par les contractions musculaires » (CPP, 680).

Entre sensation et mouvement se déploie la vie de relation, essentiellement intermittente. Or, la sensation et le mouvement constituent le signe avec l’aide d’un troisième constituant qui est ce que Comte appelle la « vitalité intermédiaire » qui, affectée par les sensations, […] inspire les mouvements » (SPP, I, 660). Le signe linguistique en particulier indique, d’une part, l’ordre extérieur et, de l’autre, l’ordre intérieur, selon sa double constitution objective-subjective mise en exercice par une troisième réalité, la « vitalité intermédiaire » invoquée par Comte. Il se produit alors comme un « circuit réverbérant », notion utilisée par Changeux pour expliquer la formation des « objets mentaux » à partir de l’envoi d’un axone par le neurone A vers le neurone B qui le renvoie à A en fermant ainsi le circuit A-B devenant oscillant sous l’effet du potentiel d’action.

 

7. Conclusion : la biologie, une science de l’homme dans son environnement

 

Donc, nous l’avons vu, Comte voit la biologie tout entière orientée vers la connaissance de l’être humain, dans sa constitution et dans ses facultés les plus hautes. Pour Comte, l’homme en tant que totalité organique obéit à la loi du développement de son organisme. L’individu humain est une totalité qui se distingue de son milieu ; comme Comte l’écrivait à Mill, « c’est l’organisme et non le milieu qui nous fait hommes plutôt que singes ou chiens, et même qui détermine notre mode spécial d’humanité jusqu’à un degré beaucoup plus circonscrit qu’on ne le croit souvent » [25]. Selon le principe de totalité auquel il est sensible, Comte propose d’orienter la démarche de la science organique, non pas du singulier au général comme celle propre aux sciences inorganiques, mais bien du général au singulier : une démarche de type déductif à l’instar des mathématiques. Comte réussit à faire de la biologie une science de la totalité en même temps qu’une science de l’homme ; il montre qu’elle exige la pratique d’un certain nombre de méthodes, et qu’elle favorise le développement de l’esprit positif fondé sur la certitude de l’existence des lois naturelles.

Université Jules Verne (Amiens)

Notes

1) Cours de philosophie positive, Tome I, leçons de 1 à 45, éd. de François Dagognet, Michel Serres, Allal Sinaceur. Paris, Hermann, 1975. Leçon 40 : pp. 665-746 ; leçon 41 : 747-766 ; leçon 42 : 767-794 ; leçon 43 : 795-820 ; leçon 44 : 821-841 ; leçon 45 : 842-882. Sigle CCP. Voir CPP,684, note 22.

2) Voir mon article « Auguste Comte et la méthode subjective », Colloque du CAMS à Paris, novembre 1999 (à paraître). Le tome IV du Système de politique positive attribue à la "science finale" (Système de politique positive, IV tomes, Paris, 1851-1854 ; sigle : SPP ; voir SPP, IV, 184 : le rôle de construire la méthode subjective est, ainsi que l'affirme expressément Comte, « essentiellement propre à la morale » (ibid). Désormais, pour Comte, si la plupart des phénomènes sont manifestement "assujettis à des lois immuables"( SPP, IV, 191.), il demeure qu' « une classe exceptionnelle reste seulement soumise à des volontés arbitraires » (ibid). Tel est proprement le résultat de « l'extension directe et spéciale du principe positif à chaque partie du domaine abstrait » (ibid). La méthode subjective est, en particulier, celle que pratiquera la morale, science finale.

3) Avant Comte, ce sont Gottfried Reinhold Treviranus (1776-1837) et Jean-Baptiste Lamarck (1744-1829) qui usèrent, dès 1802, du néologisme ‘biologie’ ; le premier, dans son traité intitulé Biologie (1802-1822) ; et le second dans l’ouvrage Hydrogéologie (1802).

4) L’ « Examen du traité de Broussais sur l’irritation » a d’abord paru dans le Nouveau Journal de Paris du 4-11 août 1828 ; puis dans l’Appendice général du tome IV du Système de politique positive, en août 1854, « sixième et dernière partie » pp. 216-228 ; puis dans les Opuscules de philosophie sociale, Paris, Ernest Leroux, 1883, pp. 290-306, voir la page 291 ; enfin dans les Écrits de jeunesse 1816-1828, suivis du Mémoire sur la cosmogonie de Laplace 1835, sous la direction de P.E. de Berrêdo Carneiro, Paris-La Haye, Mouton, 1970, pp. 399-410.

5) Ces « simples modifications » sont une idée reprise du principe de la physiologie (ou de la biologie) de Blainville selon lequel les corps organisés présentent un aspect modifié des propriétés générales de la matière (cf. De l’organisation des animaux ou principes d‘anatomie comparée, 1832, voir l’introduction). Sur le terme ‘biologie’, voir la note de Comte, à la 36è leçon, qui renvoie à Blainville : « Je ne pense pas qu’aucun philosophe puisse aujourd’hui suivre un peu loin une série quelconque d’idées générales sur l’ensemble rationnel des considérations positives propres aux corps vivants, sans être, en quelque sorte, naturellement obligé d’employer cette heureuse expression de biologie, si judicieusement construite par M. de Blainville, et dont le nom de physiologie, même purifié, n’offrirait qu’un faible et équivoque équivalent » (CPP, 602).

6) CCP, 676. Dans une note (CPP, 682) Comte motive l’usage du terme ‘milieu’ « pour désigner spécialement, d’une manière nette et rapide, non seulement le fluide où l’organisme est plongé, mais, en général, l’ensemble général des circonstances extérieures d’un genre quelconque, nécessaires à l’existence de chaque organisme déterminé.[…] la spontanéité avec laquelle [cette expression nouvelle] s’est si souvent présentée sous ma plume, malgré ma constante aversion pour le néologisme systématique, ne me permet guère de douter que ce terme abstrait ne manquât réellement jusqu’ici à la science des corps vivants. » Cf. C.F. Sacchi, « Milieu », Encyclopædia Universalis, Vol.11, Paris, Encyclopædia Universalis Éditeur, 1968 ; voir p.17, 2è colonne un texte qui est très comtien : « L’organisme et son milieu constituent le binôme fondamental de l’écologie. Dans cette discipline, on entend par ‘milieu’ la partie du monde avec laquelle un organisme vivant est en contact : c’est donc celle qui en détermine les réactions, les adaptations physiologiques et parfois même morphologiques, celle qui est, en retour, modifiée, transformée, façonnée par ce contact avec le vivant. »

7) Kurt Goldstein, La structure de l’organisme. Introduction à la biologie à partir de la pathologie humaine. Texte augmenté de fragments inédits et traduit de l’allemand par le Dr E. Burckhardt et Jean Kuntz. Paris : Bibliothèque de philosophie contemporaine, NRF, Gallimard, troisième édition,1951 ; voir p. 11.

8) Kurt Goldstein, La structure de l’organisme, p. 12.

9) Cf. C.F. Sacchi, « Milieu », Encyclopædia Universalis, Vol.11, Paris, Encyclopædia Universalis Éditeur, 1968 ; voir p.17, 2è colonne.

10) Voir C.F. Sacchi, Encyclopaedia Universalis, Vol.11, p.17, 2è colonne. Cf. C.F. Sacchi & P. Testart, Organismes et milieu, Paris, 1971.

11) CPP, 682 : « un organisme approprié et un milieu convenable » ; « la double idée d’organe et de milieu avec l’idée de fonction » ; à cette même page, Comte justifie dans une note son usage du terme ‘milieu’.

12) Kurt Goldstein, La structure de l’organisme, p.7.

13) Kurt Goldstein, La structure de l’organisme, p. 9.

14) Kurt Goldstein, La structure de l’organisme, p.10. Sur les rapports du normal et du pathologique chez Comte, Bernard et Canguilhem, voir Angèle Kremer Marietti, « Les concepts de normal et de pathologique à partir de Georges Canguilhem » (à paraître).

15) Voir p.699-700 : « Sous le point de vue purement anatomique, tous les organismes possibles, toutes les parties quelconques de chaque organisme, et tous les divers états de chacun, présentent nécessairement un fond commun de structure et de composition, d’où procèdent successivement les diverses organisations plus ou moins secondaires qui constituent des tissus, des organes, et des appareils de plus en plus compliqués. De même sous l’aspect physiologique proprement dit, tous les êtres vivants, depuis le végétal jusqu’à l’homme, considérés dans tous les actes et à toutes les époques de leur existence, sont essentiellement doués d’une certaine vitalité commune, premier fondement indispensable des innombrables phénomènes qui les caractérisent graduellement. »

16) Kurt Goldstein, La structure de l’organisme, p.7.

17) Cf. Schwann, Mikroskopischen Untersuchungen über die Übereinstimmung in der Struktur und dem Wachstum der Tiere und der Pflanzen (1839). Voir : J.R.Baker, « The Cell Theory : a Restatement, History and Critique », Parts 1-5, Quaterly Journal of Microscopical Science, 89-96 (1948-1953) ; Georges Canguilhem, "La théorie cellulaire", in La connaissance de la vie (1952), Paris, Vrin, 7è édition 1985 ; également, André Stanguennec, « Le scalpel contre le microscope, Auguste Comte et la théorie cellulaire », History and Philosophy of the Life Sciences, 6(2), 1984, pp.-171-182.

18) Cf. Pinel, Grandchamp, Foville, Recherches sur le siège spécial des différentes fonctions du système nerveux, 1823.

19) Examen du traité de Broussais sur l’irritation, op. cit., p. 293.

20) Examen du traité de Broussais sur l’irritation, op. cit., p. 294.

21) Cf. Churchland (Patricia Smith), Neurophilosophy. Toward a Unified Science of the Mind/Brain, MIT Press, 1986 ; Churchland (Paul M), Matter and Consciousness, MIT Press, 1988.

22)  Sigmund Freud, Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci (1910), Paris, Gallimard, 1987 ; Jean-Paul Sartre, Esquisse d’une théorie des émotions, Paris, Hermann, 1965 ; René Zazzo (Ed)., L’attachement, Paris, Delachaux & Niestlé, 1974/1979 ; John Bowlby, Attachement et perte, Paris, PUF, 1978/1984; Ferdinand Alquié, La conscience affective, Paris, Vrin, 1979.

23) Voir mon article, "Auguste Comte et la philosophie du langage", Colloque de Carthage, avril 1999 (à paraître).

24) Cf. Jerry A. Fodor, The Modularity of Mind, Londres, The MIT Press, 1983.

25) Lettres à John Stuart Mill, 1841-1846. Paris : Ernest Leroux, 1877. Voir à la page199 la controverse sur la psychologie féminine.

Références

J. R. Baker, « The Cell Theory : a Restatement, History and Critique », Parts 1-5, Quaterly Journal of Microscopical Science, 89-96 (1948-1953.

Bichat (Xavier), Recherches physiologiques sur la vie et la mort, Paris, Flammarion, 1995.

Blainville (Henri Marie Ducrotay de), Cours de physiologie générale et comparée (1929-1932), 3 tomes, publié par le docteur Hollard, Paris, Germer Baillière, 1833.

Broussais (François Joseph), De l’irritation et de la folie (1828), Paris, Fayard, Corpus des Œuvres de Philosophie en Langue Française, 1968.

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